MARAIS Angèle Marie Fernande
Bouaye
1891 - 1917
Victime civile de l'effort de guerre
Cette biographie est rédigée à partir de la plaque mémorielle posée sur sa maison en 2018 par Bouaye Histoire. Merci à eux d'avoir mis au grand jour le rôle des femmes pendant la Grande Guerre.
Angèle MARAIS est née le 22 avril 1891 à Bouaye
Elle y exerce le métier de couturière.
L'arsenal d'Indret (Indre) est situé à 10 kilomètres de Bouaye.
Cet arsenal fabrique des obus de 75.
Angèle est embauchée dans cet arsenal le 16 avril 1917.
Le premier jour de cette nouvelle activité, elle est victime d'un terrible accident.
Elle décède dans l'ambulance. Elle avait 25 ans.
Née le 22 avril 1891 au bourg de Bouaye, Angèle est la fille de Ferdinand MARAIS, maçon, et de Marguerite FAVREAU, femme au foyer. Rien ne prédestinait cette jeune femme à travailler dans l'industrie lourde. Le recensement de 1906 nous apprend qu'à l'âge de 15 ans, elle exerçait le métier de « tailleuse » chez Madame BERTET. Une vie simple et laborieuse, typique de son temps, avant que le conflit mondial ne vienne tout bouleverser.
La France, saignée à blanc, a un besoin vital d'obus. L'Arsenal d'Indret, véritable forteresse ouvrière sur la Loire, tourne à plein régime et recrute massivement des femmes pour remplacer les hommes partis au front.
Certaines femmes quittaient les tâches qui leur étaient réservées pour les outils des hommes, acceptant des cadences infernales (souvent 10 à 12 heures par jour) au milieu du bruit assourdissant des machines et des vapeurs chimiques.
Dès le début de la Première Guerre Mondiale, presque toute l’activité de l’établissement est orientée vers la production de matériel pour les armées de terre. Afin de faciliter le démarrage de ces nouvelles fabrications pour lesquelles Indret fabriquera lui-même ses outillages, les travaux en cours pour la Marine sont suspendus.
Les plus importants de ces travaux étaient alors la confection et le montage des machines alternatives et des chaudières du cuirassé Gascogne. Ce bâtiment ne sera jamais achevé.
L’Etablissement s’adapte avec une souplesse remarquable aux fabrications de guerre : obus de 75, puis de 220, affûts de 75 et de 155 et autres matériels divers. De 1914 à 1918, Indret a produit notamment plus de 3 millions d’obus de 75. Pour ces fabrications intensives, l’effectif de 1200 ouvriers en 1914 s’est accru progressivement pour atteindre près de 3000 à la fin de la guerre, chiffre jamais atteint auparavant ni depuis.
Alors que la guerre s'enlise et que les hommes sont massivement mobilisés au front, la France manque de bras pour fabriquer les armes. Comme des milliers de Françaises, Angèle quitte son métier traditionnel pour répondre à l'appel de l'effort de guerre. Elle intègre l'Arsenal d'Indret, une usine d'État stratégique en Loire-Atlantique. Elle devient ce que l'on appelle une «munitionnette», ces ouvrières qui remplacent les hommes aux machines, dans des conditions souvent pénibles et dangereuses.
Le 16 avril 1917 : Le front et l'arrière sont à l'unisson. La date du décès d'Angèle Marais est lourdement symbolique. Ce lundi 16 avril 1917, à des centaines de kilomètres de là, l'armée française lance la terrible offensive du Chemin des Dames. Au même moment, Angèle entame sa toute première journée de travail à Indret. Le sort s'acharne dès ses premières heures de service. Vers 17 heures, dans l'atelier d'ajustage, un terrible accident se produit : ses cheveux sont happés par un arbre de transmission. Ces courroies, qui courent au plafond des usines de l'époque pour alimenter les machines, étaient la hantise des ouvrières.
Angèle décède lors de son transport vers l'hôpital, à 25 ans.
Parce qu'elle ne portait pas l'uniforme militaire, l'administration de 1917 classe sa mort comme un simple accident du travail, et donc, sans la mention «Mort pour la France».
Il faudra attendre le centenaire de la Grande Guerre pour que l'Histoire rende justice à son engagement.
Reconnue comme «Victime civile de l'effort de guerre» par la commune de Bouaye, Angèle incarne aujourd'hui la mémoire de ces centaines de femmes qui, sans jamais tenir un fusil, ont donné leur vie pour la Défense Nationale.
Sa mère décède le 7 octobre 1935 à Bouaye à l'âge de 73 ans
Son frère André décède le 29 août 1893 à Bouaye à l'âge de 15 mois
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Ce terme, mêlant la douceur d'un suffixe féminin à la dureté des munitions, résume le destin d'Angèle. Passée de la couture à la métallurgie, elle incarne ces milliers de femmes pour qui l'usine est devenue un calvaire. Morte au "combat industriel" le jour même de l'offensive du Chemin des Dames, elle n'a pas eu les honneurs réservés aux soldats. Son histoire nous rappelle pourtant que dans une guerre totale, la frontière entre l'arrière et la ligne de feu s'efface. Une héroïne de l'ombre est aujourd'hui réhabilitée.