GENTET Alexandre Joachim
Vue
1892 - 1916
44ᵉ bataillon de chasseurs à pied
Mort pour la France
La tombe d'Alexandre à Vue
Alexandre est né le 13 décembre 1892 à Vue.
A la déclaration de la guerre, il est déjà sous les drapeaux pour son service militaire.
Il est affecté au 116e Régiment d’infanterie.
Il participe à la bataille de la Marne en septembre 1914.
Il rejoint rapidement le 18e bataillon de chasseurs à pied (BCP)
Alexandre est nommé caporal le 1er novembre 1914.
Il combat à Calonne, aux Eparges, à Verdun.
Il est affecté au 44e BCP en avril 1916 et est envoyé dans le secteur de Nancy.
Alexandre est tué à l'ennemi le 13 juillet 1916 à Remenoville, au sud-est de Nancy.
Il est inhumé à Vue.
Son père, Auguste GENTET, cultivateur originaire de Vue, épouse Françoise GOUARD, également cultivatrice et native d'Arthon, le 6 octobre 1879 à Vue. Le couple a trois enfants, tous nés à Vue : Auguste Louis (1880), Joseph (1890) et Alexandre (1892).
Alexandre, le benjamin, voit le jour le 13 décembre 1892 au lieu-dit « La Simonais » à Vue. Il débute son service militaire le 9 octobre 1913 au 116e régiment d’infanterie.
Alexandre est donc déjà sous les drapeaux, en garnison à Vannes, lorsque la guerre éclate. Le 116e régiment, composé majoritairement de Bretons, ainsi que de Vendéens et de quelques Parisiens, s'embarque le 7 août à 18h57 depuis la gare de Vannes, « sous les acclamations de la foule et des autorités ».
Après un long périple via Redon, Nantes, Angers, Le Mans, Versailles, Juvisy, Meaux et Reims, le régiment débarque à Grandpré (Ardennes) dans la soirée du 9 août. Alexandre et ses camarades marchent alors vers la Belgique, arrivant à Maissin le 22 août avec l'ordre d'attaquer l'ennemi.
Le 116e se déploie au sud-ouest de Maissin et se heurte à un ennemi solidement retranché. Malgré de lourdes pertes dues à l'artillerie et aux mitrailleuses allemandes, le régiment réussit à prendre les positions ennemies et à s'emparer du village de Maissin. Cependant, face à une manœuvre de débordement adverse, l'ordre est donné de se replier vers Paliseul.
Ce 22 août reste gravé comme la journée la plus sombre de l'histoire de l'armée française, avec 27 000 soldats tués.
Le 23 août, le régiment se reforme à Bouillon, lourdement éprouvé par la veille : 618 hommes, dont plusieurs officiers, ont été tués, blessés ou portés disparus. À partir du 24, la retraite s'intensifie, se poursuivant du 30 août au 7 septembre, jusqu'à ce que le régiment atteigne la voie ferrée de Sommesous-Fère-Champenoise.
Le 8 septembre, après de violents combats, le 116e se replie vers Montépreux et Semoine, puis tient ses positions sous un intense bombardement le 9. Profitant de la retraite allemande après la bataille de la Marne, il avance du 10 au 13 septembre jusqu'à Saint-Hilaire-le-Grand, où il affronte à nouveau l'ennemi. Du 14 au 16, le régiment occupe des tranchées près du moulin de Chantereine et reçoit un renfort de 720 hommes. Après plusieurs étapes, il atteint Reims le 19 septembre, y restant sous les obus jusqu'au 22.
Du 22 septembre au 3 octobre, le régiment rejoint Compiègne puis Longueau, et prend position dans le nord, près de Martinsart, où les attaques vers Grandcourt échouent. Débordé par une offensive allemande les 4 et 5 octobre, il se replie sur Hamel et Mesnil. Du 6 au 13 octobre, il reprend Hamel et le défend malgré de violentes contre-attaques, au prix de lourdes pertes : environ 40 tués et 100 blessés.
C'est à ce moment qu'Alexandre est affecté au 18e bataillon de chasseurs à pied (BCP), le 13 octobre 1914.
Le 18e est en casernement à Tours. Il a été mobilisé le 31 juillet 1914 avec 22 officiers et 1146 hommes de troupe. Le Journal de Marche et Opérations nous apprend qu’il est parti de Longuyon en Meurthe-Et-Moselle. Il est tout proche des frontières.
Pour rejoindre un bataillon de chasseurs à pied, Alexandre doit avoir une grande qualité et de grande compétences (Voir un soldat, un mot : « En 1914 …/… le bataillon de chasseurs à pied français incarnait une unité d'infanterie d'élite »)
On lit dans le JMO : « L’ordre d’ouvrir le pli rouge et de prendre les emplacements prévus dans ce pli pour la couverture ayant été donné dans la nuit du 31 juillet au 1er août, la 4e Division de Cavalerie a reflué vers l’arrière pour s’installer avec son groupe cycliste dans la région de Billy-Sous-Mangiennes, Mangiennes »
Dès le 2 août, des rumeurs annoncent l’arrivée de 14 à 50 000 allemands. Le 18e est en première ligne et la tension est à son comble : « …/… un autre incident s’est produit en territoire français. Quelques chasseurs du 9e bataillon ayant par erreur tiré sur des cavaliers français armés de lances…/… »
Le 18e BCP a également été contraint à la retraite, mais a pris également part à la bataille de la Marne. Le Général Joffre salua la victoire, déclarant : « La bataille qui se livre depuis cinq jours, s'achève en une victoire incontestable. […] Partout, l'ennemi laisse sur place de nombreux blessés et des quantités de munitions. Partout, on fait des prisonniers. […] Tous, officiers, sous-officiers et soldats, avez répondu à mon appel. Tous vous avez bien mérité de la patrie. »
A l’arrivée d’Alexandre, son nouveau régiment est positionné au Four-De-Paris, entre Reims et Verdun.
Alexandre est nommé caporal le 1er novembre 1914. Le 18e BCP tient des positions difficiles à Fontaine-Madame puis au ravin du Mortier, où il contre-attaque avec succès le 17 décembre, stabilisant un nouveau front qui demeure inviolé jusqu'à la fin de la guerre. À Saint-Hubert, les conditions sont encore plus rudes, entre terrains inondés et menaces de mines.
Après un repos à Lachalade en janvier 1915, le bataillon est envoyé au sud de l'Argonne pour préparer une grande offensive en Champagne, suscitant de grands espoirs. En mars, Alexandre combat à Mesnil-lès-Hurlus puis à Woëvre en avril-mai. Malgré de violents bombardements et plusieurs assauts infructueux, le bataillon tient ses positions jusqu'en juin, avant d'être relevé. Cette période est marquée par des combats acharnés, des pertes importantes et des changements fréquents de commandement à la tranchée de Calonne en juin : attaques dispersées, contre-ordres et pertes sévères, notamment lors des combats pour la cote 196.
En juin 1915, le 18e BCP participe à la contre-offensive de la tranchée de Calonne, appuyé par d'autres unités. Après des combats acharnés les 20 et 21 juin, il reprend du terrain malgré une vigoureuse contre-attaque allemande utilisant des liquides enflammés et des grenades suffocantes.
Du 5 juillet au 23 septembre 1915, Alexandre occupe le secteur des Éparges afin d'organiser et de tenter de prendre un sommet stratégique. Dans des conditions éprouvantes, le 18e combat sans arrêt à la grenade sous un bombardement constant et mène une attaque souterraine le 12 juillet, qui échoue malgré de lourdes pertes. Alternant repos et tranchées, le bataillon tient la crête tout l'été avant d'être relevé le 23 septembre. Il est alors dirigé vers la Champagne pour participer à la grande offensive qui s'y prépare.
En octobre 1915, Alexandre participe à la deuxième bataille de Champagne. Après s'être installé au bois des Taupes, le 18e subit de violents bombardements mais parvient à limiter ses pertes grâce à la construction d'abris solides. Les 30 et 31 octobre, le bataillon repousse deux attaques allemandes successives, infligeant de lourdes pertes à l'ennemi et consolidant ses positions. Félicité pour sa bravoure et son endurance, il reste en ligne jusqu'au 10 novembre avant d'être mis en réserve puis envoyé au repos à Pierrefitte.
En décembre et janvier 1916, il se prépare à une grande offensive prévue au printemps 1916, finalement déclenchée par les Allemands.
De janvier à avril 1916, Alexandre se trouve dans le secteur du bois des Chevaliers, près de Verdun. Bien que soumis à des bombardements et à une guerre de mines, il parvient à s'abriter grâce à des sapes profondes. Avec le déclenchement de l'offensive allemande sur Verdun le 21 février, la tension est vive, mais le secteur reste finalement une diversion. Le mois de mars est marqué par une alternance entre ligne et repos à Troyon, tandis qu'au nord, la bataille faisait rage. Le 10 avril, le bataillon est relevé et part se reposer dans la région de Pierrefitte.
Le 16 avril 1916, Alexandre est transféré au 44e BCP, dont le casernement se trouve à Brienne-Le-Château. Ce bataillon est parti avec 20 officiers, 76 sous-officiers, 165 caporaux et 899 hommes de troupe.
Le 44e est plongé dans l'enfer de Verdun. Les bombardements sont intensifs, les pertes sévères. En mars 1916, l'ennemi s'avance en masses compactes vers les tranchées françaises, mais les chasseurs ouvrent le feu ; les mitrailleuses sont placées à découvert en avant du parapet. Les colonnes allemandes hésitent, s'arrêtent et finalement refluent en désordre vers leurs tranchées de départ. Les pertes sont dures : 11 officiers et 391 hommes manquent à l'appel.
Le 44e BCP est ensuite envoyé dans l'Est, dans divers secteurs autour de Nancy.
Alexandre est tué à l'ennemi le 13 juillet 1916 à Remenoville, au sud-est de Nancy.
Initialement, Alexandre a été inhumé au cimetière militaire de Manonville, 7e rang, tombe 260. Le corps d’Alexandre a ensuite été restitué à la famille. Il est arrivé en gare de Nantes le 4 mars 1922. Il est inhumé à Vue. Sa tombe est l’abandon.
Son père décède en 1898 à Vue à l’âge de 44 ans.
Son frère Auguste Louis épouse Françoise GÉRARD en 1908 à Rouans. D’abord réformé, il est mobilisé le 28 mai 1915 au 65e régiment d’infanterie. Il rejoint ensuite le 168e RI, puis le 369e RI. Blessé à la base du cou par un éclat d’obus le 25 septembre 1915, il est classé dans les services auxiliaires le 9 avril 1918 pour bronchite chronique et emphysème. Il décède en 1952 à Vue à l’âge de 72 ans.
Joseph est mobilisé le 7 août 1914. Il change régulièrement de régiment et est démobilisé le 23 mars 1919. Il épouse Marie GANTIER en 1919 à Vue.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Lire sur une fiche matricule qu'un soldat appartenait à un Bataillon de Chasseurs à Pied (BCP), c'est découvrir un combattant à part. Dans l'armée française, les Chasseurs ne sont pas de la "Ligne" (l'infanterie classique) : ils cultivent un esprit d'élite, fait de rapidité, d'agressivité au combat et d'une fierté de corps inébranlable.
Une troupe de choc et de vitesse. Conçus à l'origine pour la manœuvre rapide, les Chasseurs se distinguent par leur pas cadencé : ils défilent à 140 pas par minute (contre 120 pour le reste de l'armée). Cette nervosité se retrouvait au combat. Durant la Grande Guerre, les BCP furent systématiquement utilisés comme troupes de choc. On les envoyait là où la résistance était la plus forte, pour mener les coups de main audacieux ou colmater les brèches désespérées.
« Les Diables Bleus ». Leur tenue sombre (bleu foncé, presque noir, contrastant avec le pantalon rouge garance de l'infanterie de 1914) et leur férocité leur ont valu de la part des Allemands le surnom redouté de « Diables Bleus » (Blaue Teufel). Qu'ils soient Chasseurs à Pied (en plaine) ou Chasseurs Alpins (en montagne, reconnaissables à leur immense béret, la "tarte"), ils partageaient le même insigne – le cor de chasse – et le même mépris du danger.
Une culture unique : « On ne dit pas rouge ». L'esprit Chasseur est une véritable tribu. Ils ne vivent pas en "régiments" mais en "Bataillons" autonomes, commandés par un "Chef de Bataillon" (et non un commandant). Une tradition tenace veut qu'on ne prononce jamais le mot "rouge" chez les Chasseurs (on dit "bleu-cerise" ou "la couleur de la fourragère"), sauf pour désigner deux choses sacrées : le drapeau et le sang versé.
Pour Alexandre, appartenir aux Chasseurs signifiait faire partie d'une fraternité d'armes exigeante, souvent exposée aux secteurs les plus meurtriers du front (Notre-Dame-de-Lorette, Verdun, la Somme).
Sources : Yvick Herniou, « Histoire des chasseurs à pied, alpins et mécanisés » ; Commandant E. L. Labignette, « Les Chasseurs à pied ».