Cette biographie a été rédigée par Hervé et adaptée à ce support
GUILBAUD Pierre Sylvain
Préfailles
1892 - 1916
151ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
Pierre est né le 29 février 1892 à La Plaine- sur- Mer.
Il intègre l'Ecole Normale d'Instituteurs de Savenay en 1909.
Il est nommé instituteur à Fresnay (en Retz) en avril 1914.
Pierre est mobilisé au 151ᵉ régiment d'infanterie.
Il est nommé lieutenant en juillet 1915
Après avoir été malade et soigné, Pierre est envoyé combattre à Verdun en mars 1916.
Pierre disparaît lors des combats de Mort-Homme Cumières comme 67 autres de ses camarades. Son décès sera fixé au 9 avril 1916.
Pierre Guilbaud n’a que 7 ans lorsque son père, charcutier à La Plaine-sur-Mer, décède à l’âge de 51 ans, en 1899. Sa mère, Élisabeth, également charcutière, se retrouve veuve à 38 ans. La sœur aînée de Pierre, prénommée elle aussi Élisabeth, née en 1879 à Nantes, est alors âgée de 20 ans. Elle se destine à devenir professeur dans un lycée de jeunes filles. Pierre a également une autre sœur, Marguerite, née à La Plaine en 1883.
Un an plus tard, en 1900, la mère de Pierre se remarie avec Adolphe PERRON, cultivateur à La Plaine-sur-Mer.
Comme sa sœur, Pierre se révèle doué pour les études. Il poursuit avec succès sa scolarité secondaire au lycée de Savenay, avant d’intégrer l’École normale d’Instituteurs de cette même ville en 1909. À l’époque, l’établissement est installé dans l’ancien couvent des Cordeliers. Les normaliens passent le concours d’entrée entre 16 et 18 ans, sont internes pendant deux ans, puis trois ans à partir de 1905. La vie y est assez austère : discipline stricte, uniformes obligatoires, rares sorties, levers à 5 heures du matin, peu de chauffage et peu d’eau pour la toilette.
Les études de Pierre s’achèvent en 1912 dans les locaux de la toute nouvelle École normale, inaugurée cette année-là. Élève de la promotion 1909-1912, Pierre y obtient son diplôme d’instituteur public.
Les lois du 27 janvier 1880 et du 28 mars 1882 ont rendu obligatoires la gymnastique et les exercices militaires dans le programme de l’enseignement primaire. En 1900, le général ANDRÉ, ministre de la Guerre, crée le brevet militaire de gymnastique et de tir. Durant leurs études, les normaliens, futurs officiers de réserve, reçoivent un entraînement gymnique et participent à des exercices de tir qui les rendent aptes à encadrer les sociétés de tir scolaire dans leurs futures communes d’exercice.
Son brevet supérieur d’instituteur en poche, Pierre signe un contrat d’engagement à servir pendant dix années dans les fonctions de l’instruction publique. Conformément à la loi, la durée de son service militaire est donc réduite à un an au lieu de deux. Il l’effectue à partir du 16 avril 1913 au sein du 19ᵉ régiment d’infanterie de Brest.
Dégagé de ses obligations militaires, le jeune instituteur est nommé maître d’école à Fresnay-en-Retz en avril 1914. La mobilisation le désigne pour rallier les rangs du 151ᵉ régiment d’infanterie de Verdun. À la suite de l’invasion allemande, le dépôt du 151ᵉ RI est replié sur Quimper. Pierre y reçoit une formation complémentaire qui lui permet d’obtenir les galons de sous-lieutenant.
Il rejoint le front dans la soirée du 15 janvier 1915 avec des troupes de renfort destinées à recompléter les effectifs du régiment. Après les batailles des frontières et de la Marne, les pertes subies sur le front de l’Yser et d’Ypres ont été terribles pour le 151ᵉ RI. Depuis août 1914, pas moins de 4 000 hommes ont été tués, blessés, portés disparus ou faits prisonniers, soit 130 % des effectifs initiaux.
Avec Pierre, ce ne sont pas moins de treize sous-lieutenants en provenance de l’École militaire de Saint-Cyr, deux sous-lieutenants issus comme lui de l’École normale, et 213 hommes de troupe qui viennent renforcer le 151ᵉ RI. Dès le 17 janvier, les poilus sont dirigés en Argonne. Ils occupent le secteur du bois de la Gruerie et de Fontaine-Madame, où ils combattent jusqu’au 19 juillet suivant.
Le 20 juin, dans la forêt d’Argonne, un véritable déluge d’obus de 150 mm s’abat sur les fantassins français, entre la première et la deuxième ligne. L’éclatement de ces obus leur paraît d’abord étrange en raison de la faible détonation qu’ils produisent. Autre singularité, un panache de fumée blanche s’élève au point de chute. Les hommes appliquent immédiatement la compresse qui leur a été distribuée depuis peu, mais elle ne leur apporte aucune protection. La zone infestée devient rapidement intenable et le restera plusieurs jours.
Pour faire face à ces nouvelles formes de combat, une première distribution de masques à gaz est organisée à titre expérimental au profit du régiment le 28 juin 1915. Il s’agit du premier modèle à compresses dites polyvalentes, ou modèle « P », imbibées de solution au ricinate de soude. Ce tampon est constitué de compresses de mousseline non apprêtée ou de tarlatane, pliées en plusieurs épaisseurs et contenues dans une enveloppe de gaze, mesurant environ 10 cm sur 20, à titre provisoire. Afin que l’appareil épouse au mieux la forme du nez, un fil de fer souple est introduit dans la partie supérieure du tampon, permettant de l’adapter à la morphologie de chaque visage.
Le 30 juin 1915, à 7h30, les troupes allemandes se lancent à l’assaut des lignes tenues par le 151ᵉ RI. Un véritable déluge de feu s’abat alors sur les poilus, qui résistent pied à pied dans le bois de la Gruerie. Les combats se prolongent pendant quatre jours, jusqu’à ce que le régiment soit relevé par le 261ᵉ RI le 4 juillet au matin. Entre le 30 juin et le 3 juillet, le régiment de Pierre déplore la perte de 1 300 hommes, soit 40 % de ses effectifs.
La bravoure de Pierre durant ces affrontements lui vaut d’être nommé lieutenant à titre temporaire le 22 juillet 1915. Il est affecté à la 1ʳᵉ compagnie, placée sous les ordres du lieutenant Bunoust, qui sera tué le 5 septembre 1915.
Régiment qualifié « d’élite », le 151ᵉ RI est envoyé au début du mois d’août 1915 dans le secteur d’Aubérive-sur-Suippes afin de participer à la seconde bataille de Champagne. L’offensive française débute le 25 septembre.
À l’issue des combats des 25 au 27 septembre, les pertes en officiers sont si lourdes que Pierre est nommé commandant de la 6ᵉ compagnie. Durant ces trois journées d’affrontements, le régiment perd environ 1 000 hommes, soit près de la moitié de ses effectifs, la majorité des pertes ayant eu lieu dès les premières heures de l’assaut. Les combats se poursuivent jusqu’au 30 septembre sans aboutir à la percée du front espérée par l’état-major français. Le 6 octobre, le régiment, recomplété en hommes, repart à l’assaut sans résultat mais avec de nouvelles pertes. Le réseau de barbelés allemands, resté intact malgré les bombardements de l’artillerie française, demeure infranchissable.
Pierre est ensuite nommé lieutenant à titre définitif le 22 octobre 1915. Le front de Champagne se stabilise ensuite progressivement jusqu’à la fin décembre 1915.
Au total, l’année 1915 coûte au régiment près de 5 000 pertes. Ce chiffre n’inclut pas le personnel évacué pour maladie, pour blessures dues aux pieds gelés (ou « pieds de tranchées »), ni pour troubles psychiques et physiques causés par les explosions d’obus, communément appelés « obusite ».
Le 1ᵉʳ janvier 1916, le régiment est enfin envoyé en « grand repos » dans la région de Mourmelon-le-Grand. Jusqu’au 24 février, il profite de cette période pour recompléter ses effectifs, accorder des permissions, effectuer des manœuvres et entraîner les hommes aux nouvelles formes de combat.
Éprouvé par les campagnes précédentes, l’état de santé de Pierre s’est dégradé. Fatigué et malade, il est évacué par convoi sanitaire le 21 janvier 1916. Il laisse alors le commandement de la 6ᵉ compagnie à son adjoint, le sous-lieutenant CAVALLIER.
Le 21 février 1916 débute la bataille de Verdun. Le fort de Douaumont tombe aux mains des Allemands dès le 25 février. Ce même jour, le 151ᵉ RI est appelé en renfort et reçoit l’ordre de monter au front à marche forcée. À ce moment, il ne reste plus à l’ennemi qu’à s’emparer des dernières hauteurs qui barrent l’accès de Froide-Terre pour atteindre Verdun.
Dans la nuit du 9 au 10 mars, le régiment monte en ligne aux carrières d’Haudromont et dans le bois Navé. Pendant vingt jours, sous un pilonnage incessant d’artillerie, les soldats organisent défensivement leurs positions et occupent la colline du Mort-Homme.
Les hauteurs du Mort-Homme se trouvent sur la commune de Cumières, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Verdun. Elles offrent un remarquable point de vue sur le champ de bataille dans toutes les directions.
La prise ou la défense de cette position constitue donc un enjeu stratégique majeur pour chacun des belligérants. Rétabli, Pierre reprend le commandement de la 6ᵉ compagnie le 17 mars.
Le 8 avril, vers 19h, un déserteur allemand originaire de Pologne, se présente les bras levés devant les premières lignes françaises. Immédiatement conduit au poste de commandement du colonel commandant le 151ᵉ RI, il déclare que son régiment doit attaquer les positions françaises le lendemain, 9 avril, à la suite d’un bombardement très violent, dont il ignore cependant l’heure du déclenchement. Vers 19h30, un second soldat allemand se présente dans les mêmes conditions et confirme les dires du premier.
Des ordres sont aussitôt donnés afin de compléter l’approvisionnement des bataillons en première ligne en munitions et en grenades.
La nuit du 8 au 9 avril se déroule dans un calme relatif. Soudain, vers 8h30, une préparation d’artillerie d’une intensité encore jamais vue s’abat sur les positions françaises. La violence du tir redouble à partir de 11h30. Des projectiles de tous calibres — 105, 150, 210, 305 mm —, associés à de lourds minenwerfer, sont employés.
À 12h, l’ennemi lance simultanément plusieurs régiments à l’assaut. Les soldats allemands parviennent à prendre pied sur les crêtes, mais leurs vagues d’assaut sont littéralement fauchées par le tir de barrage déclenché aussitôt par l’artillerie française.
Vers 13h, la 6ᵉ compagnie du lieutenant Guilbaud doit céder du terrain sous la pression adverse. Les réseaux de barbelés sont anéantis, les tranchées effondrées et comblées par le bombardement. Dans cette tourmente, Pierre disparaît. Sa compagnie est décimée : sur un effectif initial de 116 hommes, on dénombre 6 tués, 68 disparus et 18 blessés. Seuls 24 hommes répondent à l’appel le soir du 9 avril.
Trois autres assauts se succèdent jusqu’à 16h. Toute l’après-midi, les Français contre-attaquent à la grenade, à la baïonnette et au couteau, dans un terrible corps à corps pour reprendre les tranchées perdues. Le sol est jonché de cadavres allemands. L’artillerie ennemie, elle, poursuit son bombardement jusqu’à 20h…
Le corps de Pierre ne sera jamais retrouvé. « Mort pour la France », il est considéré comme disparu. Son décès officiel est enregistré à Préfailles le 27 juillet 1920.
La résistance française fait l’objet du fameux ordre du jour n° 94 du général Pétain, qui proclame :
« Le 9 avril est une journée glorieuse pour nos armes ; les assauts furieux des armées du Kronprinz ont partout été brisés : fantassins, artilleurs, sapeurs, aviateurs de la IIᵉ armée ont rivalisé d’héroïsme.
Honneur à tous !
Les Allemands attaqueront sans doute encore ; que chacun travaille et veille pour obtenir le même succès qu’hier !
Courage ! On les aura ! »
La conduite du 151ᵉ RI durant la guerre de 1914-1918 lui vaut la Croix de guerre 1914-1918 avec quatre palmes et une étoile de vermeil, ainsi que le droit de porter la fourragère aux couleurs du ruban de la Médaille militaire.
Sur plus de 35 000 instituteurs mobilisés, 8 419 ont été tués, soit 22,6 %. Parmi les élèves de l’École normale de Savenay envoyés dans les tranchées de la Grande Guerre, 87 normaliens et un professeur ont trouvé la mort.
L’École normale de Savenay devient, en 1917, un important hôpital américain. Elle reste une école normale jusqu’au début des années 1980. Aujourd’hui, elle abrite le lycée Jacques Prévert, dont l’entrée principale conserve encore le fronton de l’ancienne École normale.
Devenu bien national en 1789, le couvent des Cordeliers se transforme tour à tour en gendarmerie, en sous-préfecture puis en École normale d’instituteurs. Après la guerre, la Poste y est installée jusqu’en 1979. Le bâtiment subsistant (anciens dortoirs et réfectoire), récemment restauré, est aujourd’hui un lieu culturel accueillant expositions et spectacles.
Son père est décédé à La Plaine en 1899 à l'âge de 51 ans.
Sa mère, Elisabeth, décède en 1949 à Morlaix à l'âge de 88 ans.
Sa sœur aînée, Elisabeth épouse Louis FEUNTEUN à Morlaix en 1903.
Sa soeur Marguerite décède à Bénodet (29) en 1967.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Pendant la Première Guerre mondiale, les instituteurs français, surnommés les « hussards noirs de la République », ont été parmi les plus fortement mobilisés. Environ 35 000 d’entre eux furent appelés sous les drapeaux, et plus de 8 000 perdirent la vie, soit un taux de mortalité supérieur à la moyenne nationale. Leur participation au conflit illustre l’engagement total d’une profession profondément liée à l’idéal républicain et au devoir patriotique.
Sur le front, les instituteurs combattirent comme tous les autres soldats, mais leur culture et leur sens du devoir civique les conduisirent souvent à servir comme cadres, secrétaires d’état-major ou responsables de sections. À l’arrière, leurs collègues restés dans les écoles eurent pour mission de maintenir l’instruction malgré les absences et les privations. Les maîtres et maîtresses d’école participèrent activement à l’union sacrée, en enseignant aux élèves l’amour de la patrie, le courage et la solidarité avec les soldats.
L’école devint ainsi un lieu central de mobilisation morale. Les revues pédagogiques, comme La Revue de l’Enseignement Primaire, proposaient des leçons patriotiques, des exercices sur la guerre et des lettres à écrire aux combattants. Cependant, au fil des années, la lassitude et le poids des pertes firent naître chez certains enseignants une réflexion plus critique sur la guerre et ses conséquences humaines.
L’héritage de ces instituteurs est considérable : ils symbolisent une génération dévouée à la fois à l’éducation et à la nation. Leur sacrifice a marqué durablement la mémoire collective, et de nombreuses plaques commémoratives rappellent encore aujourd’hui leur engagement et leur dévouement à la France.
Sources : Ministère des Armées – Images de la Défense, « L’école et la Grande Guerre : l’instituteur, acteur de la propagande 14-18 » ; Frédéric Rousseau, Les instituteurs dans la Grande Guerre, in L’école et la guerre 1914-1918, Presses universitaires du Septentrion ; FranceArchives, « Les enseignants et la guerre de 1914-1918 » ; Jean-François Condette, Les enseignants dans la Première Guerre mondiale, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, vol. 95, n° 1, 1988 ; Conseil départemental de la Dordogne, « La mémoire des 86 instituteurs morts pour la France 1914-1918 réhabilitée »