BARRETEAU Jules Joseph Jean Marie
Vue
1878 - 1917
291ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
Jules BARRETEAU est né le 11 janvier 1878 à Vue.
Il se marie en 1905 et a deux enfants.
Jules est mobilisé le 4 août 1914 d’abord au 65ᵉ régiment d’infanterie.
Après l’enfer de la Bataille de la Marne, Jules passe au 91ᵉ RI.
Il combat en Champagne, à Verdun…
En janvier 1917, il est envoyé en Algérie pour faire face à l’insurrection menée contre l’administration coloniale française depuis octobre 1916.
Malade et blessé, il décède le 8 février 1917.
Son père, Jean BARRETEAU, cultivateur originaire de Rouans, épouse en 1876, à Vue, Françoise CLAVIER, cultivatrice native de Vue. Le couple a trois enfants : Jules (1878), Marie (1879) et Joseph (1883), tous nés à Vue.
Jules, l’aîné, voit le jour le 11 janvier 1878 au bourg de Vue. Son père est alors "roulier" : il transporte des marchandises sur un chariot tiré par des chevaux. Sa mère est toujours cultivatrice.
En novembre 1899, il commence son service militaire au 65ᵉ régiment d’infanterie et obtient son certificat de bonne conduite. Il effectue ensuite deux périodes d’exercices : du 21 août au 17 septembre 1905, puis du 29 avril au 15 mai 1909.
Le 5 juin 1905, à Vue, il épouse Philomène MERLET, native de Frossay. Le couple a deux filles : Juliette, née en 1906, et Jeanne, née en 1907, toutes deux au bourg de Vue.
Le 4 août 1914, Jules est mobilisé au 65ᵉ régiment d’infanterie. Le départ se fait dans un tumulte d’enthousiasme : « …/… au milieu des acclamations, sous une pluie de fleurs lancées de toutes parts…/… (Historique du 65e RI°) ». On sait aujourd'hui que la réalité est bien différente car la stupeur et le chagrin de voir partir les hommes dominent...
Porté par cet élan populaire, le 65ᵉ embarque vers l’inconnu. Deux jours plus tard, Jules foule le sol de l’Argonne, à Grandpré, dans le secteur confié au 11ᵉ corps d’armée. Par étapes, les hommes gagnent Sedan, franchissent la Meuse et, le 16 août, passent la frontière belge.
Le 22 août, Jules se trouve à Maissin, en Belgique. Ce jour-là devient le plus meurtrier de l’histoire de France : plus de 27 000 soldats français tombent en une seule journée. Comme le reste des troupes, le 65ᵉ bat en retraite.
Le 5 septembre, à la tombée du jour, le régiment atteint les abords de Fère-Champenoise. Les hommes se préparent à entrer dans la bataille de la Marne. Le lendemain matin, ils sont jetés dans la mêlée à Morain-le-Petit, avec pour mission de tenir coûte que coûte les débouchés des marais de Saint-Gond.
La bataille est un enfer. À Fère-Champenoise, la moitié des effectifs disparaît. Le colonel, grièvement blessé, doit céder le commandement. Du corps des officiers, il ne reste plus que deux capitaines, un lieutenant et quatre sous-lieutenants pour guider ce qu’il reste du régiment. Pourtant, le 10 septembre, Jules et ses camarades reprennent la poursuite de l’ennemi en retraite. Ils capturent de nombreux prisonniers, entrent dans Châlons et, le 13, atteignent la voie romaine, au pied des monts de Champagne.
Le 65ᵉ est ensuite engagé à Compiègne, Contalmaison, Fricourt et La Boisselle.
Le 14 novembre 1914, Jules est versé au 91ᵉ régiment d’infanterie. Le régiment est alors en Argonne, où il tient fermement le secteur de Saint-Hubert et Fontaine-Madame face à un ennemi numériquement et matériellement supérieur. Harcelé jusqu’au début janvier 1915, le 91ᵉ endure des pertes lourdes et un hiver de tranchées éprouvant.
Fin février 1915, le régiment se réorganise à Passavant. Lors d’une revue, le général Joffre salue ses qualités offensives retrouvées.
Jules prend position en Champagne, dans le secteur de Beauséjour, avec la mission d’attaquer les solides tranchées ennemies du fameux fortin de Beauséjour. Le terrain découvert et les accès difficiles rendent l’opération périlleuse. Le 27 février, les objectifs sont atteints et de nombreux soldats ennemis capturés.
Le 91e régiment d'infanterie de La Roche-Sur-Yon
Collection personnelle JV
Début avril 1915, le régiment est envoyé dans le secteur de Verdun, pour une offensive à seulement 1 200 mètres des lignes ennemies : le 91ᵉ doit s’emparer du village de Maizeray. Mais les rafales d’armes automatiques et les canons ennemis fauchent les premières vagues d’assaut sur ce terrain découvert. L’objectif n’est pas atteint et les pertes sont considérables. La citation du 3ᵉ bataillon à l’ordre du corps d’armée témoigne : « S’est élancé à l’assaut de Maizeray avec un courage et une cohésion admirable, atteignant les fils de fer ennemis au prix de deux tiers de pertes et des six-septièmes de ses officiers. »
Fin avril 1915, Jules est envoyé aux Éparges. Les tranchées perdues sont reprises lors d’une attaque. Tout au long su mois de mai, le 91ᵉ occupe et organise le secteur du Bois-Haut.
Témoignage du Caporal Louis KERVEGANT du 91e RI : « Nous remplaçons les Marocains à la tranchée de Calonne, tout à côté des Eparges. Tout le long d'une trouée pratiquée dans le taillis, pour des mitrailleuses sans doute, ce n'est que cadavres couchés dans tous les sens et dans toutes les postures ; avec d'autres camarades nous allons relever leurs papiers afin de les identifier.
Comme nous nous en retournons, soudain, des coups de feu éblouissent mes yeux « Vite, vite, couchez-vous ! fait une voix... » Ce que je m'empresse de faire, mais trop tard ; une balle me traverse la poitrine. Tous mes compagnons regagnent la tranchée. Je demeure seul. Je sens le sang couler d'une façon saccadée et à flots. Mes forces m'abandonnent complètement. Encore un petit moment et si l'on ne me secourt pas, c'est la mort dans la solitude. Mais j'ai eu tort de douter de mes compagnons d'armes. Voici que soudain revient près de moi Kerfanio, avec des ciseaux qu'il est allé quérir. Il coupe mes habits et couvre mes plaies de mon pansement, puis il m'emporte à plat ventre sur son dos jusqu'à la tranchée. » Les Eparges, La Tranchée de Calonne en avril 1915.
Texte tiré de « La grande guerre vécue, racontée, illustrée par les Combattants, en 2 tomes Aristide Quillet, 1922 »Michelin , guide des champs de batailles.
Mi-juin, le régiment est de retour en Argonne. Mi-juillet, il se trouve sur le plateau de Bolante, sous de violents bombardements de tous calibres. Les obus lacrymogènes inondent le ravin des Courtes-Chausses. Le pilonnage s’intensifie, et les Minenwerfer, mines et lance-flammes écrasent les tranchées françaises.
Dans ces conditions extrêmes, les hommes de première ligne, blessés, brûlés par des liquides enflammés, intoxiqués par les gaz et coupés de tout secours, organisent des îlots de résistance et se battent avec une énergie farouche. Ces combats éprouvent cruellement le régiment, relevé le 17 juillet pour se reformer aux Islettes.
De juillet à fin octobre 1915, le 91ᵉ reste dans la région des Courtes-Chausses, où les tranchées françaises et allemandes sont parfois si proches qu’elles se touchent presque. La guerre de mines, les grenades et les combats incessants rendent la lutte harassante et meurtrière.
L’offensive de Champagne ravive un instant l’espoir d’une avancée, mais le 91ᵉ demeure en Argonne. Le 27 septembre, après un violent bombardement au gros calibre et aux obus asphyxiants, l’ennemi attaque entre Bolante et la Fille-Morte. Les contre-attaques, notamment celle du capitaine Joüon, permettent de reprendre le terrain perdu et d’assurer la défense du plateau de Bolante.
Le régiment reçoit ensuite pour mission d’organiser le secteur de la forêt de Hesse. Il crée une ligne de centres de résistance dominée par l’observatoire du Hermont, réplique de celui de Montfaucon. Lorsque la bataille de Verdun éclate, ces aménagements permettent d’absorber le choc ennemi.
Dès le 21 février 1916, le 91ᵉ subit les préparations d’artillerie à l’est d’Avocourt. Jusqu’au 15 avril, les bataillons alternent entre lignes de front et travaux d’organisation, sous un déluge de bombardements. Malgré le froid, la neige et les tranchées inondées, le régiment reçoit les félicitations du général pour son endurance et son efficacité.
De fin avril à fin mai 1916, le 91ᵉ reprend les lignes à l’est du Four-de-Paris, dans le ravin des Courtes-Chausses. Comme l’année précédente, les hommes y mènent une guerre d’usure faite de mines et de grenades. Du 23 mai au 3 août, le régiment poursuit l’organisation de la forêt de Hesse, tout en subissant les bombardements liés aux combats du Mort-Homme et de la côte 304.
Le 8 juin 1916, Jules est blessé à Thiaumont (contusions aux deux yeux, aux mains et à une joue). Il est évacué à l’ambulance 7/3 le jour même, puis revient au front le 12 juin.
Début août, le 91ᵉ rejoint le camp de Mailly pour un nouvel entraînement en vue des offensives de la Somme. Débarqué à Maricourt le 13 septembre, le régiment occupe divers emplacements d’alerte en arrière des premières lignes.
Le 3 octobre, deux bataillons attaquent la lisière du bois Saint-Pierre-Vaast à 14 h. Profitant d’une préparation d’artillerie efficace, ils s’emparent des tranchées et envoient des patrouilles vers la ferme du Gouvernement. Mais l’ennemi contre-attaque à la grenade, tandis qu’un bombardement intense isole les troupes et inflige de lourdes pertes. Les survivants tiennent bon jusqu’à 20 h avant de se replier.
Le 7 octobre, une nouvelle attaque est lancée. Les compagnies de tête progressent jusqu’à la lisière, résistant à des contre-attaques répétées. Soutenus par l’artillerie, les hommes réussissent à conserver leurs positions, au prix de lourds sacrifices. Ce succès, arraché à un ennemi résolu et sur un terrain difficile, prouve la capacité offensive intacte du régiment.
Le 27 octobre, après quelques jours de repos, le régiment organise les boyaux et parallèles de départ pour une attaque de la brigade Messimy. Malgré les pluies incessantes et les tirs d’artillerie, les hommes s’enlisent dans la boue mais accomplissent leur mission avec ardeur.
À la fin de l’année 1916, au repos près de Châlons-sur-Marne, Jules se prépare à réoccuper un secteur en Champagne. Mais il reçoit brusquement l’ordre de s’embarquer à Chavanges pour Marseille : des troubles viennent d’éclater dans le Sud Constantinois.
Débarqué à Philippeville (Skikda, Algérie) entre le 21 et le 25 décembre 1916, le régiment est rassemblé à Batna. Il assure des escortes et protège les marchés avoisinants : Arris, Timgad, Pasteur.
Du 4 janvier au 23 mars 1917, le 91ᵉ assure la police des hauts plateaux entre Constantine et l’Aurès. Il nettoie les massifs du Belezma, du Djebel Bou Arif, du Fedjoudj et du Guerrioun.
Blessé et malade pendant cette campagne en Afrique du Nord, Jules est évacué à l’hôpital complémentaire 61 du Calvaire, à Toulouse, où il décède le 8 février 1917.
Le 17 mars, le 91e reçoit l’ordre de s’embarquer pour rentrer en France et le 29 mars, « la population de Philippeville salue son départ, reconnaissante de l’ordre rétabli sans effusion de sang. »
La mère de Jules, désormais veuve, reçoit un secours de 150 francs de la part du 91ᵉ régiment.
Toulouse - Hôpital complémentaire N°101 - Salle des opérés - Collection privée JV
Son père décède en 1906 à Vue à l'âge de 58 ans
Son épouse décède en 1951 à l’âge de 52 ans.
Juliette, sa fille, épouse Pierre ANIZAN en 1927 à Vue. Elle décède en 1983 à Blain à l'âge de 77 ans.
Jeanne, sa seconde fille, épouse Gabriel GROISSARD. Elle décède à Vue en 1983 à l'âge de 75 ans.
Juliette et Jeanne sont toutes deux adoptées par la Nation le 28 avril 1928
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
En 1916, le Sud Constantinois, région montagneuse d’Algérie, est le théâtre d’une insurrection contre l’administration coloniale française. Déclenchée en novembre de la même année, cette révolte trouve son origine dans le mécontentement des populations locales face à la conscription imposée par la France pendant la Première Guerre mondiale. Le recrutement forcé des jeunes hommes pour aller combattre en Europe suscite une vive opposition, qui se transforme rapidement en soulèvement armé.
La révolte éclate dans les communes mixtes de Barika, Belezma, Aurès et Khenchela. Des groupes insurgés attaquent des postes militaires et administratifs, et plusieurs représentants de l’autorité coloniale, dont le sous-préfet de Batna, sont tués. La situation devient suffisamment préoccupante pour que le gouverneur général d’Algérie décide de confier la répression à l’armée.
Un Groupement des Troupes du Sud-Constantinois est alors formé. Placé sous le commandement du général Deshayes de Bonneval, il regroupe environ 6 000 hommes : des bataillons de zouaves, de tirailleurs sénégalais et de troupes métropolitaines. Cette force est chargée de rétablir l’ordre dans la région, notamment en menant des opérations de ratissage dans les djebels Bosdan et Mestaoua, zones montagneuses où s’étaient retranchés les insurgés.
Les opérations militaires débutent à la mi-novembre 1916 et se prolongent jusqu’au début de l’année 1917. Elles consistent en une série d’attaques coordonnées visant à encercler les foyers de rébellion, désarmer les tribus insurgées et rétablir l’autorité coloniale. L’arrondissement de Batna est placé sous un régime de commandement militaire pour faciliter ces actions.
Au-delà de la question de la conscription, ce soulèvement révèle des tensions plus profondes dans la région. Il est alimenté par les rivalités entre grandes familles locales et confréries religieuses, mais aussi par un sentiment persistant de résistance à la domination française, hérité des insurrections antérieures.