Ce texte a été rédigé par Marie MARC à partir des archives militaires et civiles. Un grand merci pour cette biographie originale.
CHANSON Auguste Jean
La Bernerie
1890 - 1914
Soldat au 6e régiment du Génie compagnie 10/1
Mort pour la France
« Ne t'effondre pas Constance. Sa dernière pensée aura été pour toi. »
Les deux officiers municipaux qui t'ont annoncé la nouvelle redoutée, si tôt après son départ au front, t'ont dit et répété qu'il est mort, le 22 août 1914, « en regrettant sa mère ». Et tant pis si c'est la formule consacrée pour tenter d'atténuer, tant soit peu, la douleur atroce d'une maman à laquelle la guerre vient d'ôter son dernier amour vivant, son dernier soutien, son fils, son petit qui vient juste de fêter ses 24 ans le 26 juin dernier , autour d'un feu de la Saint Jean, son garçon chéri, son Auguste.
Lorsque naît Auguste Jean, notre « soldat Chanson », le 26 juin 1890 à La Bernerie , commune de la Loire Inférieure, il n'est pas destiné à être caporal mais juste cultivateur comme son père Jean-Louis et sa mère Constance Girard, qui exercent ce métier à la Sennetière sur la commune de la Bernerie.
Ce n'est que depuis 1863 que La Bernerie-en-Retz, est une commune indépendante ayant été rattachée jusqu'à cette date à la commune des Moutiers. Elle est toute petite, cette nouvelle commune rurale, mais c'est un village avec son école , avec son église depuis 1862, son cimetière en 1868 et même une gare en 1875.
Les parents d'Auguste se sont mariés aux Moutiers le 19 novembre 1883. Leur premier enfant, une fille, naît en 1885. Malheureusement, elle décède en 1894 à l'âge de 8 ans, orpheline de père, car Jean-Louis Chanson est décédé en 1892.
Et voici que Constance se retrouve seule pour élever son garçon qui a seulement 4 ans en cette année 1894. On ne sait rien de l'enfance ni de la jeunesse d'Auguste mais on peut imaginer un partage entre école et travaux des champs pour ce jeune soutien de famille.
Le 7 octobre 1911, à 21 ans, Auguste s'en va faire son service militaire ; il est affecté au 6ème régiment du génie en garnison à Angers. Il devient caporal le 9 août 1912 et son certificat de bonne conduite lui est accordé. Il est maintenu sous les drapeaux et passe à la réserve le 8 novembre 1913.
Pour ce jeune homme, la vie civile sera de bien courte durée. La première guerre mondiale éclate et Auguste est rappelé à l'activité, lors de la mobilisation, le 3 août 1914.Ce jour-là, à 19h09, sa compagnie est embarquée à la gare Maître Ecole d'Angers en direction de Laon.
C'en est fini de la jeunesse et de l'insouciance. Comme le conscrit des cent villages, il pourrait dire :
« Adieu le ciel et la maison
Tuile saignante ardoise grise
Je vous laisse oiseaux les cerises
Les filles l'ombre et l'horizon »
Il est affecté dans la compagnie 10/1 du 6ème régiment du génie, une compagnie regroupant 200 hommes Auguste disparaît au combat à Vitrival en Belgique, à l’est de Charleroi le 22 août 1914.
Pauvre Auguste, tu n'es pas le seul à être tombé au champ d'honneur en ce mémorable 22 août, jour le plus sanglant de l'histoire de France, durant lequel 27000 soldats ont subi le même sort que toi.
Son décès est confirmé par le jugement déclaratif de décès du Tribunal de Paimboeuf le 22 juillet 1920. Ce jugement est transcrit à la Mairie de La Bernerie le 29 octobre 1920.
« La compagnie 10/1 quitte Angers le 6 août 1914 (compagnie divisionnaire de la 19ème division d'infanterie). Débarquée de chemin de fer à Attigny (Ardennes) le 8 août 1914, la compagnie 10/1 accompagne le 10ème Corps d'Armée dans sa marche sur Namur et participe aux combats sur la Sambre (Charleroi, 21-22 août). Dans la retraite, elle exécute différents travaux de retranchement en particulier aux alentours de Sains pendant la bataille de Sains-Richaumont, le 29 août.»
C’est probablement lors de cette retraite qu’Auguste disparaît.
Le 6ème génie poursuit sa retraite jusqu'à Sézanne où commence la Bataille de la Marne le 6 septembre 1914. C’est lors de cette célèbre bataille que sera repoussée l’avancée massive des troupes allemandes.
Auguste a reçu des balles dans la carotide, grave blessure ayant entraîné une mort certaine.
Auguste n'est jamais rentré au pays .
Son corps ayant disparu au cours des combats, sa maman fera apposer sur la sépulture familiale une plaque libellée ainsi :
La maman d'Auguste est décédée au Clion et a été inhumée à La Bernerie le 16 juillet 1928.
Selon nos dernières investigations, la sépulture de la famille Chanson tombe en désuétude, sans doute faute d'héritiers pour l'entretenir. La plaque va devenir illisible et la sépulture doit être réhabilitée.
Rendons au soldat Chanson sa dignité. Respectons la volonté de Constance :
« Une prière svp »
Encore faut-il savoir pour qui l'on prie.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
L'Echo de Paimboeuf daté du 2 avril 1916 :
"Travail pour les soldats. Se doute-t-on de ce que la commune de la Bernerie a fait depuis le 1er janvier 1915 pour les soldats du front ? Les femmes et les jeunes filles ont tricoté 670 paires de chaussettes, dont 300 paires fournies par la Ligue Patriotique des Françaises, 150 par l'œuvre du Tricot, 220 par des personnes charitables. Il faut compter en plus 36 objets divers : chandails, cache-nez, etc.
Tout ce travail a été fait absolument gratuitement et la bonne volonté n'est point épuisée, les travailleuses qui tricotent en ce moment nous en donnent la preuve. Dans cette énumération nous ne pouvons comprendre naturellement tous les envois particuliers qui sont faits chaque jour, mais les chiffres fournis, simplement par les œuvres en quelque sorte officielles, nous ont semblé tellement beaux, que nous avons pensé faire plaisir à nos concitoyens en les publiant."