CHALMEL Valentine Emma
Pornic
1867 - 1943
Civile
Mort pour la France
Son père, Jean-Marie CHALMEL natif de Chauvé, maçon, épouse Marie MARTIN, native de la Plaine le 15 janvier 1866 à Pornic.
Le couple a six enfants :
Valentine né le 17 janvier 1867.
Ernestine Léontine (1868-1889).
Marie Amélie (1872-1899).
Augustine Amélie (1877-1946).
Mathilde Henriette (1882-1884).
Georges Auguste (1885-1888).
Tous sont nés à Pornic.
Valentine épouse Auguste-Félix FOUCHER le 8 novembre 1890 à Pornic. Le couple a cinq enfants :
Auguste, né en 1892, décède en 1897 à l’âge de 4 ans.
Marcel, né en 1893 se marie en 1920 à Nogent-Sur-Marne. Alors qu’il est au service militaire depuis le 29 novembre 1913, la guerre éclate. Marcel est donc aux armées lors de la mobilisation. Il est affecté le 27 août 1914 au 135ème régiment d’infanterie. Blessé et fait prisonnier le 6 septembre 1914, il reste en captivité à Wittenberg en Allemagne. Il est rapatrié le 5 janvier 1919. Il épouse Marie-Anne STEPHAN en 1920. Il décède à Pornic en 1966 à l'âge de 72 ans.
Valentine, née en 1897 à Pornic, épouse Joseph GRAS à Courbevoie en 1923. Elle décède à Saint-Maurice en 1985 à l'âge de 88 ans.
Lucien, né en 1902, à Pornic, épouse Emilienne GUILBAUD en 1926 au Clion. Il décède en 1984 à Nantes à l'âge de 81 ans.
Gilbert, né en 1907 à Pornic, épouse Stéphanie PELTIER. Il décède en 1954 à Nantes à l'âge de 46 ans.
Valentine et Auguste achètent la maison du chemin des Bicres à Pornic en 1904 (8 rue de Lorraine aujourd’hui).
L’époux de Valentine, Auguste, décède en 1916 à l’âge de 51 ans.
"Notre grand-mère est morte tragiquement, écrasée sous les bombes américaines à Nantes le 16 Septembre 1943.
Voici dans quelles circonstances : ayant eu un malaise en août 1943, elle avait été transportée à l'hospice de Pornic pour y être soignée.
Mais fin août, début septembre, les Allemands réquisitionnent pour leurs troupes l'hospice de Pornic.
Les malades sont alors évacués sur l'Hôtel-Dieu de Nantes.
Mes parents décident donc de la prendre chez eux et ce jeudi 16 septembre 1943, ma mère est allée à l'Hôtel-Dieu chercher sa belle-mère qui va mieux.
Une ambulance attend à la porte avec un chauffeur et deux brancardiers. Ma mère aidée d'une sœur-infirmière habille la grand'mère. Il est environ 16 heures. Dehors, il fait un temps splendide : un soleil resplendissant.
L'alerte a été donnée, mais personne ne s'en soucie car déjà des dizaines de fois on a sonné l'alerte et il ne s'est jamais rien passé à Nantes. Soudain l'enfer se déchaîne ; une bombe traverse la salle pour éclater un peu plus bas. Le plancher s'effondre et tout, malades, personnel hospitalier, religieuses, matériel, est englouti dans le trou béant. Deux heures plus tard, la seule rescapée, ma mère, sera dégagée des décombres par la défense passive, la bouche remplie de terre et près de suffoquer.
Elle racontera par la suite ce qu'elle a vu juste avant de s'évanouir. Ce n'est que le lendemain que l'on reconnaîtra son corps [de Valentine] au musée des Beaux-Arts, rue Georges Clémenceau, transformé pour la circonstance en chapelle ardente. Son corps a été écrasé et ses vêtements sont encore recouverts de la poussière des décombres. Ce jour-là, huit cents morts seront recensés dans une ville en ruines, privée d'eau, de gaz, d'électricité.
L'enterrement eut lieu à Pornic, mais le transport du corps depuis Nantes posa quelques problèmes, étant donnée la désorganisation de la ville, détruite à 40% par les bombardements.
Finalement, c'est une voiture de livraison de la Maison BYRRH, où travaillait André son petit-fils, qui se charge du transfert.
Son corps repose aujourd'hui dans le cimetière de Pornic, là où sont aussi enterrés son époux Auguste Félix FOUCHER, son fils Marcel décédé en 1966 et sa bru, Marie-Anne STEPHAN décédée en 1983." Rédigé par André et Pierre FOUCHER Février 1987
« Lorsque mes parents décidèrent en 1923, de venir à Pornic aussitôt après ma naissance, ils ont habité d'abord dans la villa HERBETTE avant d'aller s'installer ensuite place de la Grande Aire. Ce devait être un logement provisoire. Ils logeaient dans le sous-sol de la villa.
Nous passions nos vacances d'été à Pornic et nous nous y trouvions chaque année au 14 Juillet. Le soir, le traditionnel feu d'artifice était tiré sur le port et évidemment l'endroit idéal pour jouir du spectacle était le môle. Et bien entendu, nous y allons tous, ma grand'mère, mes parents, mon frère et moi.
Pour un spectacle qui ne commençait jamais avant 11 heures du soir, nous y étions dès 9 heures, car grand'mère n'était jamais en retard, plutôt très en avance. En attendant le feu, il y avait l'animation habituelle de ces fêtes, la fanfare dirigée par Monsieur BRAUD, l'instituteur, qui était le voisin de grand-mère, les allées et venues des estivants et des Pornicais. Il y avait longtemps déjà que je m'étais assoupi quand les premières fusées se lançaient à l'assaut du ciel et les pétarades ne me réveillaient point.
C'est à dessein que j'ai employé le mot « point » car pour ma grand'mère, c'était l'expression favorite pour exprimer une négation. « Ah, dame point! », « Mais c'est point possible! »; C'est ainsi qu'elle exprimait son désaccord, ou sa surprise. En résumé, le « point » prenait le pas sur le « pas ».
Dans la petite maison qu'elle habitait puisqu'elle louait les quatre autres pièces, il y avait un buffet deux corps dans la cuisine, le haut étant une vitrine remplie de livres rouges à tranche et à titres dorés, de formats différents, mais bien rangés. Un jour, elle m'a dit : « Ce sont les prix de ton père. Tous les ans, il en avait plusieurs, étant toujours le premier. Que sont devenus ces livres ?
Elle m'emmenait quelquefois chercher le lait. Où ? je ne m'en souviens pas, mais chaque fois, elle s'arrêtait chez une dame âgée, assise dans un fauteuil, à l'entrée de sa maison, rue de Paimboeuf. C'était son amie, Madame COCHARD. Pour subsister, elle lavait le linge qu'elle allait chercher chez ses clientes avec une brouette à claire-voie, sans cotés et peinte en noir. La lessive devait être pénible car il n'y avait pas encore le service d'eau. Il fallait aller au puits, au fond du jardin.../..."
André, l'ainé, raconte ce qu'il se rappelle de sa grand-mère.
« Le premier souvenir de ma grand-mère est aussi l'un de mes premiers souvenirs d'enfance. Lorsque mes parents décident de venir à Pornic en 1923, ils s'installent dans une petite maison basse de trois pièces, place de la Grande Aire.
Ma grand'mère avait l'habitude de payer son pain à la semaine selon la coutume de l'époque. Le règlement se faisait traditionnellement le dimanche matin après la messe. Elle demandait alors à la boulangère deux brioches qu'elle venait ponctuellement apporter à ses deux petits-fils. Cela se passait dans les années 1924, 1925. J'avais 4 ans et mon frère 2. C'était à peu près la seule visite qu'elle rendait à ses enfants car entre elle et sa bru, il n'y avait pas d'atomes crochus.
Ma grand-mère avait donc à cette époque 57 ou 58 ans. Je ne me souviens pas du tout de son comportement de l'époque, j'étais encore trop jeune.
Puis, en 1925 ou 1926, mes parents partirent habiter Nantes et je ne voyais plus ma grand'mère que l'été où nous venions passer à Pornic les vacances scolaires.
Pendant ces vacances, nous ne pouvions pas loger chez elle car, ayant peu de ressources, elle louait sa maison de quatre pièces et vivait donc dans les deux pièces qui avaient été aménagées dans l'ancien atelier. Dans ces conditions, mes parents louaient une maison meublée pour la saison et mon père venait nous rejoindre, par le train, toutes les fins de semaine.
C'est à partir de cette époque que j'ai mieux connu ma grand-mère.
Elle écrivait bien, presque sans faute d'orthographe, ce qui à l'époque était assez rare dans le monde rural. Pour elle, le plus important c'était l'instruction. Elle était fière de me dire qu'a deux ans, mon père connaissait l'alphabet.
Elle était issue d'une famille de notaires établis à Rennes avant la Révolution. Cette origine, qu'elle a toujours ignorée, faisait d'elle une « intellectuelle » dans un milieu d'artisans pauvres. La lecture constituait, à l'époque où je l'ai connue, son passe-temps favori. Elle lisait vite, vite, trop vite ! Quatre ou cinq romans prêtés le matin étaient restitués le soir même. Lisait-elle vraiment tout ? J'ai peine à le croire. Mon père avait hérité cette façon de lire, mais lui, je connaissais sa méthode : on lit le début, on passe au milieu et ensuite on saute aux dernières pages pour la conclusion.
Au point de vue santé, ma grand-mère était d'une constitution robuste. Excellente marcheuse, même à plus de 70 ans, elle pouvait faire des kilomètres sans jamais se fatiguer. Sa maladie, c'était l'emphysème dont elle souffrait par crises. Elle devait aussi avoir des rhumatismes car ses mains qui étaient naturellement épaisses, étaient déformées.
Elle vivait frugalement, se contentant de peu, n'ayant surtout aucun penchant naturel pour la cuisine ou les travaux ménagers. Sa voix était brève. Elle n'était pas très bavarde. En cela encore, mon père lui ressemblait beaucoup.
Je la revois dans sa petite maison de la rue de Lorraine. Ce devait être dans les années 41 ou 42. A cette époque, sous l'occupation, les quatre pièces principales de sa maison avaient été réquisitionnées par les Allemands pour en faire un poste de police.
Elle avait donc 74 ou 75 ans. De taille moyenne, sa carte d'identité nous indique qu'elle mesurait 1,57 m. Elle avait les yeux gris et coiffait ses cheveux grisonnants en un chignon derrière la tête. Toujours vêtue de vêtements sombres, sans aucune recherche vestimentaire. Ma mère, qui ne se privait guère de la critiquer, disait qu'elle était toujours « attachée avec des épingles ».
Elle n'était pas dépensière. Vivant de peu, comme toutes les personnes âgées, elle était hantée par la peur de manquer. L'hiver, elle se chauffait peu ou même pas du tout. A son décès, elle avait pourtant une réserve de charbon pour plus d’un an. »
La mention "Mort pour la France" a été apposée dans la marge de l'acte de décès de Valentine le 8 janvier 1944.
« Mort pour la France » : Une seule mention pour un même sacrifice
Il existe parfois, dans l'inconscient collectif, une hiérarchie tacite de la mort qui placerait le sacrifice du combattant en uniforme au-dessus de celui du civil. Il est indispensable, pour la vérité historique et la justice mémorielle, de dissiper cette méprise.
La mention « Mort pour la France » n'est pas une décoration militaire réservée aux porteurs d'armes : elle est la reconnaissance imprescriptible de la Nation envers tous ceux dont le destin a été brisé par la guerre.
L'égalité devant l'Histoire et la Loi juridiquement
Le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ne fait aucune distinction morale entre le soldat et le civil. L'attribution de cette mention acte un fait indiscutable : sans le conflit, ces hommes, ces femmes et ces enfants seraient restés en vie. Établir une différence de valeur entre ces morts revient à nier la nature même de la « guerre totale » qui a frappé la France, abolissant la frontière entre le front et l'arrière.
Le prix du sang de la Libération
Le cas des victimes civiles des bombardements alliés mérite un respect particulier, trop souvent oublié. Ces morts ne sont ni des erreurs de l'histoire, ni de simples « dommages collatéraux ». Ils sont les martyrs tragiques de la Libération. Pour que les chaînes logistiques de l'occupant soient brisées, pour que le Débarquement réussisse, la France a dû payer un terrible impôt du sang. Ces civils ont littéralement absorbé le choc de la stratégie nécessaire à la victoire finale. Ils sont morts pour que la France soit libre, tués par la violence inouïe d'un monde en guerre qu'ils n'avaient pas choisie.
Une communauté de destin
Opposer le soldat « actif » au civil « passif » est une erreur de lecture. Le courage du soldat au front est immense, mais la résilience du civil, sans armes pour se défendre, exposé dans son foyer, au travail , dans un abri précaire ou à l'hôtel Dieu de Nantes comme Valentine, relève du même sacrifice national.
Sur ce site, nous honorons chaque nom avec la même ferveur car le sang versé par un civil sous les bombes de 1943 a la même couleur et la même valeur que celui du soldat tombé au champ d'honneur : c'est le prix qu'ils ont payé, ensemble, pour notre liberté d'aujourd'hui.
Sa mère décède le 26 mars 1887 à Pornic à l’âge de 41 ans. Son père décède le 17 avril 1896 à Pornic à l'âge de 53 ans.
A l’exception d’Augustine, tous ses frères et sœurs sont décédés jeunes ou très jeunes.
La maison de Valentine à Pornic : deux photos, deux époques.
"Je la revois dans sa petite maison de la rue de Lorraine. Ce devait être dans les années 41 ou 42. A cette époque, sous l'occupation, les quatre pièces principales de sa maison avaient été réquisitionnées par les Allemands pour en faire un poste de police." raconte André son petit-fils
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
"Les 16 et 23 septembre 1943, Nantes subit trois raids aériens particulièrement dramatiques, menés par des unités américaines. 1 500 Nantais périssent lors de ces bombardements.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Nantes constitue un objectif de choix pour les Alliés avec son port et ses chantiers navals, ses industries et sa place dans le dispositif militaire allemand. Dès 1941, des bombardements sporadiques frappent la ville et sa zone portuaire. En 1943, les 16 et 23 septembre, l’histoire prend une tournure tragique.
Une déferlante meurtrière
16 septembre. À 16 h 05, un bombardier, localisant très mal son objectif – un bateau de guerre – lâche ses bombes trop tôt autour du parc de Procé, distant de trois kilomètres du site visé. Les deux vagues suivantes pilonnent le port à hauteur de Chantenay, alors que deux autres, déroutées, arrosent l’aéroport de Château-Bougon. Enfin, l’un des derniers groupes de l’escadrille manque également son objectif : il libère toute sa cargaison de bombes sur le centre de Nantes.
23 septembre. La 8ème Air Force reçoit une nouvelle mission : détruire un sous-marin amarré dans le port de Nantes. Le raid se déroule comme prévu : la zone portuaire est lourdement touchée ainsi que les chantiers navals. À 18 h 55, une seconde alerte retentit.
Entre 1 000 et 1 500 bombes ont été larguées sur Nantes au cours de ces deux journées de raids aériens. Le bilan humain est effroyable : 1 463 morts et 2 500 blessés. Jamais pendant la guerre, une ville française n’aura connu autant de morts en un laps de temps aussi court. 700 maisons et immeubles sont détruits et près de 3 000 inhabitables, laissant 10 000 Nantais sans abri. Une grande partie du centre-ville et des quartiers périphériques est à reconstruire. Les infrastructures portuaires et industrielles sont aussi lourdement touchées.
Sources : Nantes et Ville Métropole