LUCAS François Philbert
Vue
1888 - 1917
4ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
LUCAS Eugène Marie
Vue
1894 - 1916
66ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
En 1887, à Vue, Philbert Louis LUCAS, originaire de la commune et cultivateur au lieu-dit « La Noë Gallée », épouse Marie CHAUVET, elle aussi native de Vue et cultivatrice au lieu-dit « La Tournerie », chez ses parents.
De cette union naissent trois enfants, tous à Vue : François (1888), Eugène (1894) et Joseph (1905).
François est né le 11 octobre 1888 à Vue.
Il se marie en 1912 à Vue. Il a une fille.
Il est mobilisé le 3 août 1914 au 65e RI
Il participe à la bataille de la Marne.
Il passe au 4e Ri en mars 1915.
Blessé, il décède le 13 mai 1917, à Bouvancourt.
Eugène est né le 29 octobre 1894 à Vue
D’abord ajourné pour faiblesse, il est mobilisé le 8 septembre 1915 au 66e régiment d’infanterie
Il combat à Arras puis en Artois.
Il participe à l’enfer de Verdun en 1916.
Blessé dans la Somme, il décède à Amiens le 31 octobre 1916.
François voit le jour le 11 octobre 1888 au lieu-dit « Galfour » à Vue. Il a les cheveux blonds, les yeux bleus et mesure 1,54 m.
Il commence son service militaire le 6 octobre 1909 au 77ᵉ régiment d’infanterie. Classé dans les services auxiliaires le 26 novembre 1909 en raison d’une lésion à la jambe droite. Il obtient son certificat de bonne conduite et retourne à la vie civile le 24 septembre 1911.
Devenu cultivateur, il épouse en 1912, à Vue, Marie TELLIER, originaire d’Arthon. Le couple a une fille, Antoinette, née en février 1913 au lieu-dit « La Fosse » à Vue.
François est mobilisé le 3 août 1914 au 65ᵉ régiment d’infanterie (RI) de Nantes, tout comme Victor ROULET également originaire de Vue.
Le 65ᵉ se mobilise entièrement le 4 août, avec 57 officiers, 200 sous-officiers et 3 190 caporaux et soldats. Le départ de la gare de Nantes se fait « au milieu des acclamations, sous les fleurs qu’on jette de toutes parts. ». Deux jours plus tard, le régiment débarque en Argonne, à Chatel-Chéhéry, dans la zone affectée au 11ᵉ corps d’armée. Par étapes, il gagne Sedan, franchit la Meuse et, le 16 août, entre en Belgique.
Le 21 août, François entre en contact avec les avant-gardes allemandes à une vingtaine de kilomètres au nord de Bouillon. Le 22 août, il participe à la grande bataille livrée par la 4ᵉ armée française et reçoit son baptême du feu lors de l’attaque des positions ennemies de Maissin.
Ce 22 août restera la journée la plus noire de l’histoire militaire française : 27 000 soldats tombent ce jour-là.
Le 25 août, c’est la retraite. Le 65ᵉ repasse la Meuse à Bazeilles et s’établit sur les hauteurs de Wadelincourt et de la Marfée. Pendant quatre jours de combats acharnés, le régiment subit à nouveau de lourdes pertes : trois chefs de bataillon sont tués et la plupart des capitaines mis hors de combat. Le 27 août, il reprend à l’ennemi, « par une fougueuse charge à la baïonnette, tambours et clairons en tête », le village de Noyers-Pont-Maugis.
Le 5 septembre au soir, le régiment se trouve près de Fère-Champenoise et se prépare à participer à la bataille de la Marne. Le 6 au matin, il est engagé à Morain-le-Petit, avec pour mission de tenir les débouchés est des marais de Saint-Gond.
Les combats de Fère-Champenoise coûtent au 65ᵉ la moitié d’un effectif déjà très diminué ; son colonel est grièvement blessé et le cadre des officiers se réduit à deux capitaines, un lieutenant et quatre sous-lieutenants.
Dès le 10 septembre, le régiment entame la poursuite de l’ennemi en retraite, capturant de nombreux prisonniers. François entre à Châlons et atteint, le 13, la voie romaine au pied des monts de Champagne.
Après plusieurs jours de combats à Taissy et Sillery, le 65ᵉ gagne Compiègne à marches forcées entre le 21 et le 25 septembre. Il embarque ensuite pour être transporté par voie ferrée et camions vers l’est d’Albert. L’ennemi accentue sa poussée en direction de Paris, et le régiment contribue, à Contalmaison, Fricourt et La Boisselle, à enrayer cette offensive.
La guerre de tranchées commence. Le 65ᵉ s’empare du Hamel le 7 octobre.
Entre le 13 et le 28 octobre, le régiment se positionne dans le secteur d’Auchonvillers et de Mailly-Maillet. L’hiver 1914-1915 est marqué par de violents combats à La Boisselle, en décembre et janvier. La progression, gagnée pied à pied, se fait dans des affrontements rapprochés où la conquête d’un simple boyau exige autant d’efforts qu’une grande bataille. Mais c’est aussi, et surtout, une lutte contre l’eau et la boue : les tranchées s’effondrent, et les hommes se battent dans des conditions effroyables, parmi les tombes et les croix du cimetière de La Boisselle.
Au début de 1915, le régiment est commandé par le colonel Desgrées du Loû et occupe le secteur de Tahure en Champagne.
Image ci-contre : « Le drapeau à l'assaut. Le colonel Desgrées du Loû entraînant ses hommes à l'attaque, en Champagne, le drapeau de son régiment à la main. Au premier plan, franchissant le parapet, un homme de la garde du drapeau ; au deuxième, le lieutenant Lebert, porte-drapeau. Au troisième, le colonel, dont la tête se tourne vers la gauche. Une minute après, le colonel tombait, frappé à mort, à la tête de son régiment. » (le 25 septembre 1915)
Le 19 mars 1915, François est transféré au 4ᵉ régiment d’infanterie d’Auxerre. Le 4ᵉ est alors engagé dans l’offensive en Argonne. François prend part aux combats du ravin des Meurissons, puis à l’attaque de la Haute-Chevauchée, du 4 au 6 avril 1915. Les pertes y sont particulièrement lourdes.
Le régiment reste dans ce secteur jusqu’au 15 juin avant de partir au repos à Clermont-en-Argonne et Auzéville, où des renforts viennent combler les effectifs : 26 officiers et 1 341 hommes arrivent entre le 13 et le 20 juillet.
Les journaux de marche du 4ᵉ régiment faisant défaut pour les mois suivants, il faut recouper les informations avec les témoignages et les journaux des autres unités.
Les opérations reprennent en Argonne, dans le même secteur (La Bolante, ravin des Courte-Chausses, Haute-Chevauchée) d’août à décembre 1915. De janvier à septembre 1916, le 4ᵉ reste encore en Argonne avant d’être envoyé dans le secteur de Verdun : Haudromont, Fausse-Côte, Vaux, étang de Vaux, jusqu’à la fin de l’année 1916.
De janvier à avril 1917, François se trouve à Berry-au-Bac, puis participe à l’offensive sur l’Aisne (bois des Boches, Juvincourt) en avril et mai 1917.
Blessé, il décède à l’ambulance 231 le 13 mai 1917, à Bouvancourt. Il allait avoir 30 ans.
Son corps est restitué à sa famille. Il arrive par convoi à Nantes le 8 avril 1921 et il est inhumé à Vue le lendemain.
Sa tombe semble abandonnée.
Eugène est né le 29 octobre 1894 au lieu-dit « La Brosse », à Vue.
D’abord ajourné pour faiblesse, il est finalement mobilisé le 8 septembre 1915 et rejoint le 66ᵉ régiment d’infanterie de Tours.
Il a les cheveux châtain clair et les yeux bleus comme son frère.
Ce régiment, parti de Tours le 5 août 1914 avec 55 officiers et 3356 sous-officiers et soldats.
Il débarque à Chaligny, au sud-ouest de Nancy. Les combats sont rudes.
Le 66e est envoyé par train vers Arcis-Sur-Aube le 5 septembre et il participe à la bataille de la Marne. Il est ensuite engagé en Belgique d’octobre 1914 à avril 1915, puis en Artois à partir de mai 1915.
C’est dans le secteur d’Arras qu’Eugène rejoint le 66ᵉ, en avant du village d’Agny. Le 25 septembre, les vagues d’assaut s’élancent pour prendre l’ouvrage du « Chat-Maigre ».
Les attaques menées par le 66ᵉ permettent aux troupes opérant plus au nord de s’emparer de Loos, en coordination avec les forces anglaises, et de progresser vers Souchez. « Une fois de plus, écrivait le général de division, le 66ᵉ s’est montré digne de son passé. »
Eugène reste en Artois jusqu’en février 1916, puis est envoyé combattre à Verdun en avril et mai 1916. Depuis deux mois, les Allemands s’acharnent sur la forteresse. Les tranchées sont à peine ébauchées, et il n’existe aucun boyau vers l’arrière.
« C'est dire les difficultés qu'éprouvent les corvées de ravitaillement qui se font sous un bombardement continu qui écrase tout. » Historique du 66ᵉ RI
On rapporte les paroles d’un caporal mitrailleur, dont l’abri, fortement secoué par plusieurs obus n’ayant pas éclaté, s’exclame en plaisantant : « Est-ce que les Boches auraient l’intention de faire ici un dépôt de munitions ? »
Le 3 juin, le 66ᵉ quitte le secteur de Verdun pour la Champagne et occupe celui de Souain (Marne). Après quelques semaines passées au camp de Mailly, il est envoyé dans la Somme. Le régiment débarque le 22 septembre et entre en ligne à l’est de Morval le 9 octobre 1916.
Le 18 octobre, lors d’une attaque, le capitaine s’écrie : « 2ᵉ bataillon, à mon commandement… En avant ! » Les hommes s’élancent. Aucun officier ne revient ; la préparation d’artillerie, insuffisante, avait laissé intactes de nombreuses mitrailleuses ennemies.
C’est dans ce secteur et fin octobre, comme nous l'apprend l'Echo de Paimboeuf, qu’Eugène est grièvement blessé. Il a été touché à la main droite et au bras gauche par des éclats d’obus.
Il est transporté à l’hôpital d’Amiens où il succombe à ses blessures le 31 octobre 1916.
Il est inhumé à la nécropole nationale Saint-Pierre d’Amiens, tombe N° 520.
La fille de François, Antoinette, décède en 1942 à Vue à l’âge de 29 ans.
Leur frère Joseph épouse Anne CHARPENTIER en 1932 à Vue. Il décède en 1972 à Vue à l’âge de 67 ans.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de ces biographies.
À l’issue de la Première Guerre mondiale, la France se retrouve face à une tâche immense et inédite : donner une sépulture digne aux millions de soldats tombés sur son sol. Entre 1914 et 1918, près de 1,4 million de combattants français ont trouvé la mort, auxquels s’ajoutent des centaines de milliers de soldats alliés et ennemis. La question de leur inhumation devient rapidement un enjeu moral, politique et logistique majeur.
Dès les premiers mois du conflit, les morts sont enterrés à la hâte, à proximité des champs de bataille, dans des fosses communes ou des tombes individuelles surmontées de simples croix de bois. Ces sépultures de fortune, souvent improvisées par les unités combattantes ou les services de santé militaires, sont précaires et exposées aux intempéries comme aux combats ultérieurs. La guerre s’éternisant, l’État prend conscience de la nécessité d’organiser un service funéraire militaire afin de garantir le respect dû aux morts.
Un premier pas est franchi en décembre 1915 avec le vote d’une loi fondamentale. Ce texte institue le principe selon lequel chaque soldat mort pour la France a droit à une sépulture perpétuelle, gratuite et entretenue aux frais de la Nation. La loi autorise également les familles à demander, si elles le souhaitent, le rapatriement du corps dans un cimetière communal ou familial, mais cette opération reste à leur charge. L’État, pour sa part, s’engage à aménager des cimetières militaires permanents pour accueillir les dépouilles de ceux qui resteront inhumés près des lieux de combats. Ce cadre législatif jette les bases de ce qui deviendra le vaste réseau des nécropoles nationales.
Après l’armistice du 11 novembre 1918, un gigantesque chantier de regroupement des sépultures s’ouvre. Des équipes spécialisées parcourent les anciens champs de bataille pour exhumer les corps des sépultures provisoires, tenter de les identifier et les transférer vers des cimetières militaires pérennes. Ce travail, supervisé par les services du Génie et le ministère des Pensions, se heurte à des difficultés considérables : les corps non identifiés sont nombreux, et le paysage bouleversé par les combats rend parfois les recherches impossibles.
Entre 1920 et 1935, la France aménage des centaines de nécropoles nationales le long de l’ancien front, dans le Nord, l’Est et les Vosges. Certaines, comme Notre-Dame-de-Lorette dans l’Artois (plus de 40 000 tombes) ou Douaumont près de Verdun (16 000 tombes et un ossuaire contenant les restes de 130 000 soldats non identifiés), deviennent des lieux emblématiques du souvenir. Dans ces vastes espaces, l’alignement rigoureux des croix blanches symbolise l’égalité des morts dans le sacrifice, tandis que des monuments commémoratifs viennent rappeler la dette de la Nation envers ses enfants tombés pour elle.