Cette biographie est documentée par le livre « Partis pour la Patrie », en particulier pour les lettres de François et « Le Révérend Père François Gouy de la société de Marie, L'histoire de François » d'après un livret édité en 1917 ainsi que l'historique du 68e
GOUY François Auguste
Arthon
1889 - 1916
68ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
François est né le 28 mai 1889 à Chauvé.
Il suit une formation religieuse.
Il est ordonné prêtre le 29 juin 1914.
François est mobilisé en février 1915 au 68e régiment d'infanterie du Blanc.
Il est affecté comme brancardier.
Il combat en Artois et à Verdun.
François est tué à l'ennemi le 5 novembre 1916.
Il est inhumé dans le carré militaire de Maricourt (80)
Joseph GOUY épouse Anne GOBIN le 19 juin 1865 à Chauvé. Tous deux sont natifs d’Arthon.
Le couple a neuf enfants : Marie née en 1866, Pierre né en 1868, Jeanne née en 1871, Anne née en 1872, Joseph né en 1875, Etienne né en 1878, Victorine née en 1880, Marguerite née en 1884 et François né en 1889. Ils sont tous nés à Chauvé.
François, benjamin de la famille, est donc le dernier né le 28 mai 1889 au lieudit, Le Pas-Bosseau à Chauvé où ses parents sont cultivateurs. Il ne connaît pas son père, décédé en février 1890 dans des circonstances qui ne nous sont pas connues.
« Un jour, les professeurs de François signalèrent au chanoine MOCQUAND, curé de la paroisse de Chauvé et supérieur du petit collège séminariste du Pays de Retz un enfant dont la piété et la mine éveillée avaient attiré leur attention. « Vous avez là un séminariste, M. le Curé. »
Avec l’accord de sa famille, François intègre à 13 ans le collège de Chauvé. Il aime l’étude, apprécie les promenades à travers la campagne et les moments de détente. Le dimanche, lors de la messe paroissiale, les écoliers se préparent à leur futur ministère. Pendant les vacances, il aide à la ferme familiale et passe son temps libre à la cure, auprès du père MOCQUAND. En 1905, il rejoint le séminaire des Couëts, puis en 1907 Saint-Stanislas à Nantes. Sa rencontre avec le Révérend Père BERTREUX, missionnaire en Océanie, déterminera sa vocation : lui aussi sera missionnaire mariste aux îles Salomon.
Après deux ans au Grand Séminaire de Nantes, il part pour Santa Fédé, près de Turin, au noviciat de la Société de Marie, puis poursuit trois ans de formation au scolasticat de Differt en Belgique. Il est ordonné prêtre le 29 juin 1914.
Son départ imminent pour l'Océanie fut retardé par la guerre qui éclata quelques semaines après. L'évêque de Nantes l'envoya à Arthon-en-Retz. » Partis pour la Patrie
La fiche matricule de François nous apprend qu’il a les cheveux châtains, les yeux gris et mesure 1,74 m. Réformé le 29 septembre 1911 pour « tuberculose pulmonaire », il est finalement déclaré « bon pour le service » le 12 décembre 1914. Il est donc mobilisé le 17 février 1915 au 68e régiment d’infanterie en garnison dans la commune du Blanc dans l’Indre.
« On nous mène très durement, quelques-uns sont arrivés depuis une huitaine de jours et déjà nous avons le harnachement de guerre, sauf le sac. Le métier militaire ne me plait pas beaucoup, mais j'ai pris mon parti. » écrit François.
Admis à la formation d’officier à Ruffec-le-Château, il revient ensuite au Blanc où son départ pour le front est imminent.
« Ce n'est plus du Blanc que je vous écris mais du pays où le canon tonne. Désigné pour partir le 2, j’ai quitté le dépôt le vendredi 4 au matin, avec un détachement de cinq cents hommes. Après un arrêt à Tours et le Bourget, nous sommes arrivés à destination dimanche matin. En cours de route, nous avons pu voir aux environs de Compiègne, les premières traces de la visite des Boches. Dans la nuit du samedi, nous avons entendu pour la première fois le grondement du canon. Je n'ai pas encore fait connaissance avec les tranchées, cela ne tardera guère. »
À son arrivée, le régiment est au repos à Vlamertinge, où les hommes sont vaccinés contre la typhoïde. Mais le répit est de courte durée : le régiment subit rapidement de violents bombardements.
Fin janvier 1915, le 68ᵉ régiment est relevé et mis au repos pour trois semaines. Il reprend ensuite les lignes dans le bois de l’Herenthage, puis est relevé par les Écossais et prend un nouveau repos de quinze jours à Wormhout.
Le 20 avril 1915, François est envoyé à Roclincourt, au nord d’Arras. De là, il se rend à Loos pour l’attaque du 9 mai 1915.
Le médecin-chef décide de garder François à l’infirmerie de la 12ᵉ division. Il devient brancardier et aumônier du dépôt.
Arrivé dans l’Oise pour quelques jours de repos, il écrit :
« Je viens d'accomplir une randonnée de douze jours de marche. Le 14 juillet, nous quittions, sans regret, le secteur d'Arras où tant de nos amis du 9e et du 20e corps dorment leur dernier sommeil.
Ces pays, où le bruit du canon arrive avec peine, ne nous offraient ils pas un contraste avec les tranchées de Neuville Saint-Vaast, Souchez etc… avec lesquelles j'ai eu le temps de faire connaissance ? Là-bas, la mort semblait planer à chaque instant au-dessus de nos têtes, partout ce n’était que ruines. » Puis rajoute : « Le petit village de l'Oise où nous cantonnons n'est pas bon, la religion y passe après l'argent... L’église est dans un pitoyable état, le lierre y pousse et l'eau passe à travers… J'ai déjà mis un peu d'ordre avec mes poilus et nous allons procéder au nettoyage... »
François participe à de très grandes batailles : La Fosse de Calonne en mai 1915, Neuville Saint-Vaast, Vailly et Loos en septembre 1915.
En janvier 1916, le 68e est placé en réserve au Bois en Hache et dans le fameux secteur de Notre-Dame-de-Lorette.
En février 1916, « …/… A la boue, qu'il faut citer comme le plus rude ennemi dans ce secteur du Nord sans cesse martelé, viennent s’ajouter la neige et la glace…/… »
Le 68e est envoyé à Verdun en avril 1916.
François est cité : « Soldat brancardier, a constamment rempli fonctions de brancardier de compagnie avec un dévouement inlassable ; toujours en première ligne, prodiguant ses soins avec sang-froid et le plus absolu mépris du danger, s'est particulièrement distingué les 22, 23 et 24 avril 1916 ; sans tenir compte du bombardement, a apporté de nuit et gardé de jour, en terrain découvert, les blessés. »
Le commandant du 11e bataillon écrit : « …/… Journée du 3 mai. Le bombardement dure toute la journée avec une intensité qui atteint parfois 30 à 35 coups à la minute dans un rayon de 100 mètres carrés. Le 3 au soir, les pertes de ces quatre jours se chiffrent : pour le 1er bataillon à 250 hommes, tués ou blessés et 41 hommes disparus enterrés par les éboulements. La proportion des tués est de 50%. La journée du 3 coûte à elle seule 160 hommes, la 4e compagnie notamment a 38 tués. Le bombardement continue toute la nuit …/… »
François écrit dans une autre lettre : « La nuit dernière, je m'apprêtais à dormir, quand un courrier arrive me disant qu’il y a des blessés à un poste avancé, à onze mètres des Boches. J'attrape ma musette de pansements et je me précipite à toutes jambes. J’arrive juste à temps pour absoudre er administrer deux mourants. On eût dit que, réellement, Dieu leur avait gardé un souffle jusqu’à mon arrivée.
La situation n'était pas brillante. Les veilleurs étaient tous mourants, blessés ou partis. Je restais seul à la merci des sympathiques voisins. »
François a passé une permission à Chauvé à la fête de l'Assomption quelques mois avant sa mort. De retour dans la Somme, il témoigne dans une lettre :
« Je suis allé voir la basilique d'Albert. Maintenant ce n'est qu'un amas de ruines, les nefs latérales et le transept sont particulièrement endommagés. Le clocher reste debout, malgré les coups multipliés qu'il a reçus. Ce qu'il a de plus imposant, de plus curieux, c'est la statue de la Vierge. Elle est accrochée à son piédestal par quelques minces barres de fer, elle a fléchi en avant, elle est presque horizontale, on dirait un nageur expérimenté qui s'apprête, du haut d'un rocher, à faire un plongeon. »
Sa dernière lettre est datée du 30 octobre 1916.
« Les heures sont désormais comptées. Demain matin, il va falloir prendre la direction de la bataille. J'irai au travail, à la peine, au danger, comme au repos. Il y a une certaine appréhension naturelle, mais je pars prêt à tous les sacrifices. Le fanion du Sacré-Cœur couvre ma poitrine et chaque homme de mon escouade en a un... Toutes mes affaires sont en règle. »
5 novembre 1916 : « …/…D'un seul élan, les bataillons passent à l'assaut dans un terrain bouleversé par les obus et complètement détrempé par les pluies. Le commandant TARRIT et son officier adjoint, le sous-lieutenant PLAINEMAISON, marchent à l'attaque derrière la première vague, excitant l'ardeur des combattants. Malheureusement, de nombreuses mitrailleuses que notre artillerie n'a pu atteindre se révèlent et prennent à partie les premières vagues d'assaut. En même temps, un intense barrage se déclenche sur les fractions de réserve. Quelques éléments avancés franchissent la route de Château-Thierry à Bapaume. Hélas ! les mitrailleuses clouent impitoyablement sur le sol les héroïques poilus et les obligent à se terrer. Le commandant TARRIT est grièvement atteint au poumon par une balle de mitrailleuse …/… » Historique du 68e
François tombe sur le champ de bataille ce 5 novembre 1916 à Sailly-Saillisel, alors qu'il transporte un officier blessé. Pour son aumônier, c’est une perte cruelle. Il écrit aux supérieurs du révérend père Gouy et au curé d'Arthon : « M. Gouy a été inhumé à Maricourt, à 12 kilomètres des lignes, dans un cimetière situé derrière l'ambulance de la côte 122. Les brancardiers nous l'avaient ramené au poste de secours, point défiguré, mais seulement couvert de boue. Il laisse d'unanimes regrets. Je me reposais sur lui de tout le soin du 3e bataillon. »
On peut lire dans le JMO 26 N 657 bis/26 page 89/93 : « …/…Au saillant Nord de Sailly-Saillisel, les balles se croisent venant du Nord, de l’Est, de l’Ouest. La progression est également enrayée, on se terre sur place…/… »
Plus loin, page 91/93 : « …/… L’état du sol ne peut pas être conçu par ceux qui ne l’ont pas vu. C’est la mer de boue. Chaque pas est un travail. Dans ces conditions, les travaux sont plutôt précaires, le rendement du travail des soldats faible, la fatigue est arrivée à l’extrême limite des forces…/… »
François est cité à l’ordre du corps d’armée le 10 janvier 1917 : « Brancardier d'un courage et d'un dévouement au-dessus de tout éloge. Le 5 novembre 1916, pour sauver un officier blessé, n'a pas hésité à traverser, en plein jour, un barrage d'artillerie, et est tombé, frappé pendant l'accomplissement de sa mission. »
François est inhumé dans le carré militaire de Maricourt (Somme) cote 122, Tombe N° 213, plaque 116
L’Echo de Paimboeuf publie le 3 décembre 1916, l’hommage de ses camarades : « Nous venons d'apprendre avec peine la mort du regretté Père GOUY, de la Vesquerie, missionnaire apostolique de la congrégation des Pères Maristes, brancardier au 68e régiment d'infanterie. Le Père Gouy, doué de toutes les vertus qui caractérisent l'apôtre et le saint, avait notamment l'esprit de sacrifice et de dévouement joint à de grands sentiments patriotiques, Il est tombé au champ d’honneur victime de son dévouement en allant chercher dans un endroit périlleux un lieutenant blessé et, pure comme la colombe, son âme s'est envolée vers Celui qui, chaque jour à sa voix, descendait entre ses mains. Son courage a été vraiment sublime ! Aussi, nous, ses camarades du front, nous l'admirons et nous offrons à sa famille en pleurs, nos condoléances les plus sincères et les plus chrétiennes en prenant une large part à sa douleur en cette pénible circonstance. »
François déjà titulaire de la Croix de guerre, est décoré de la médaille militaire à titre posthume le 22 avril 1920.
Son père décède en 1890 à Chauvé à l’âge de 54 ans.
Son frère Pierre épouse Marie SAVARY en 1895 au Clion.
Sa sœur Jeanne épouse Pierre FOUCHER en 1895 à Chauvé.
Anne épouse Jean SEJOURNE en 1895 à Chauvé.
Joseph épouse Alphonsine LEPINE en 1903 à Chauvé.
Etienne épouse Marie FOUCHER en 1904 à Chauvé. Il décède en 1941 à Chauvé à l’âge de 63 ans.
Victorine décède en 1912 à l’âge de 32 ans.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en août 1914, la France est encore marquée par des décennies de tensions entre l’Église catholique et la République laïque. La loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État a laissé des blessures profondes, et une méfiance persiste envers le clergé catholique. Pourtant, le conflit va rapprocher, dans l’épreuve, ces deux mondes que tout semblait opposer.
Comme tous les hommes de leur génération, les prêtres ont été soumis à la mobilisation générale. Environ 32 000 prêtres et religieux français ont été appelés sous les drapeaux, la plupart servant comme soldats, brancardiers, infirmiers ou parfois comme officiers. Loin de bénéficier d’un traitement particulier, ils partagent le sort commun des combattants, vivant les mêmes privations, dangers et traumatismes dans les tranchées.
Un nombre limité d’entre eux a été nommé aumôniers militaires pour accompagner spirituellement les troupes. Leur rôle consistait à célébrer la messe, entendre les confessions, administrer les derniers sacrements et apporter un réconfort moral aux soldats. Mais beaucoup d’autres, bien que simples combattants, continuent discrètement leur mission sacerdotale auprès de leurs camarades.
La guerre a coûté cher au clergé français : près de 5 000 prêtres et religieux sont morts sur les champs de bataille, soit environ un sur six des mobilisés. Beaucoup ont été cités à l’ordre de l’armée et décorés pour leur bravoure.
Ces sacrifices contribuèrent à modifier l’image du clergé aux yeux de la société française.
Tous les prêtres ne sont pas envoyés au front. Les plus âgés ou inaptes physiquement restent dans les paroisses, où leur tâche est également essentielle. Ils soutiennent les familles des soldats, célèbrent des messes pour les morts, organisent des œuvres de charité et s’impliquent dans l’accueil des blessés dans les hôpitaux. Leur présence aide à maintenir le lien social dans des villages souvent vidés de leurs hommes.
La Première Guerre mondiale marque un tournant dans les relations entre l’Église catholique et la République. Le sang versé par des milliers de prêtres pour la patrie permet une forme de réconciliation. Le clergé, jusque-là suspecté d’antipatriotisme, montre qu’il partage pleinement les valeurs de sacrifice et de devoir. Après l’armistice, la mémoire de ces prêtres morts pour la France est honorée par des plaques commémoratives dans de nombreuses églises et monuments aux morts.
À la fin du conflit, l’Église française est profondément marquée par la perte de nombreux jeunes prêtres, ce qui affaiblit durablement le recrutement du clergé. Mais l’engagement des prêtres pendant la Grande Guerre reste un exemple fort d’abnégation et de service à la fois spirituel et national.