Cette biographie a été rédigée par Hervé et adaptée à ce support
GAUTIER Joseph Eugène
Sainte-Marie - Préfailles
1890 - 1916
50ᵉ régiment d'artillerie de campagne
Mort pour la France
Joseph est né le 3 avril 1890 à Sainte-Marie.
Il exerce le métier de laboureur quand il est appelé pour faire son service militaire en 1911 au 61e Régiment d'artillerie de campagne (RAC) à Verdun.
Joseph est mobilisé le 3 août 1914 au 50e RAC de Rennes.
Il va combattre en Belgique, puis son régiment doit battre en retraite jusqu'à la bataille de la Marne.
Au début de 1915, il combat dans les secteurs de Doullens et d'Arras.
Joseph est blessé d'un coup de pied de cheval en mars 1915.
Il se marie lors d'une permission le 1er août 1915 à Préfailles.
Blessé une seconde fois par un coup de pied de cheval, Joseph décède de ses blessures le 2 mars 1916 à Sainte-Menehould.
Une petite fille prénommée Louise naît le 4 octobre 1916 à Préfailles. La petite Louise n’a jamais connu son père.
Né de père inconnu le 3 avril 1890 à Sainte-Marie, Joseph GAUTIER est le fils unique d’Eugénie GAUTIER. Sa mère, qui réside à Sainte-Marie, l’élève seule jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de huit ans.
En 1898, Eugénie se marie avec François BACONNAIS qui exerce la profession de domestique à La-Plaine-su-Mer. Le couple n’a pas d’enfant.
Joseph reçoit une éducation sommaire. À son passage devant le conseil de révision, il est classé comme ne sachant ni lire ni écrire. Classé « bon pour le service », le jeune laboureur est appelé sous les drapeaux le 7 octobre 1911. Le même jour, il franchit les portes de la caserne du 61e Régiment d’artillerie de campagne (RAC) à Verdun. Equipé à sa création de 44 pièces du canon de 75 mm, modèle 1897, ce régiment compte 65 officiers, 1 933 hommes et 2 015 chevaux.
Pendant deux années, Joseph exerce les fonctions de second canonnier conducteur au sein de ce tout nouveau régiment créé en 1910. De par ses fonctions, le jeune homme est employé à la conduite et au soin des chevaux de l'attelage qui tracte le fameux canon de 75mm et son caisson à munitions.
Libéré de ses obligations militaires le 8 novembre 1913, Joseph décide de s’installer dans le bourg de Préfailles. La vie civile est de courte durée puisqu’il est mobilisé le 3 août 1914 au sein de la 12e batterie du 50e régiment d’artillerie de campagne de Rennes. Cette batterie appartient au 4e groupe d’artillerie du 10e corps d’armée.
A la date du 2 août 1914, les effectifs de la 12e batterie sont constitués de 3 officiers, 170 sous-officiers et hommes de troupe. Chaque batterie dispose de 4 canons de 75mm. Pas moins de 167 chevaux et 22 voitures à cheval permettent son déplacement.
L’ordre d’embarquement pour le front est donné le 5 août à 23h00. La 12e batterie est la dernière à quitter la ville de Rennes le 8 août 1914 à 22h08. Rattachés au 10e corps de la Ve d’Armée, les éléments du 50e RAC sont concentrés dans la région de Vouziers. Il traverse alors Sedan pour remonter vers la vallée de la Sambre en Belgique. Suite à la défaite de Charleroi suivie du repli généralisé des troupes françaises, le 50e RAC est utilisé pour mener des combats retardateurs en arrière garde. Après une vaine tentative de contre-attaque le 29 août, le régiment se voit obligé de poursuivre son repli en raison du manque de munitions.
La 12e batterie est particulièrement éprouvée le 30 août. Ce jour-là, elle a pour mission de contrebattre l’artillerie allemande qui est installée sur une ligne de crête qui lui fait face. Les artilleurs allemands déclenchent alors une violente canonnade. Des hommes et des chevaux sont tués ou blessés, mais la batterie continue le combat jusqu’à ce que le manque de munitions l’oblige à quitter sa position. En dépit de la destruction de quelques trains de remorques, toutes les pièces d’artillerie sont ramenées en arrière. Faute de chevaux, certaines sont traînées à la force des bras.
Parmi les problèmes rencontrés par l’artillerie de 75mm, l'un des premiers sera la pénurie de munitions. Au début de la guerre, la France dispose de 4 900 000 obus, soit environ 1 390 par pièce qu'elle peut effectivement déployer. La durée inattendue du conflit conduit à un grave problème d’approvisionnement en obus qui devient criant à partir d’octobre 1914. Il faut attendre mai 1915 et la profonde restructuration de l’industrie d’armement française pour que ce problème voit un début de solution.
Pour le 50e RAC, vient ensuite la contre-attaque de la Marne qui est immédiatement suivie de la bataille de Reims, toujours en soutien du 10e corps d’armée. La course à la mer voit les artilleurs participer à la bataille pour Arras qui débute le 2 octobre.
C’est durant ses combats, le 5 octobre, que le 4e groupe d’artillerie est pris à partie de face et d’enfilade par 4 batteries allemandes. A cet instant, la 12e batterie de Joseph se retrouve prise à revers. L’action de soutien de la 11e batterie qui tire sur l’infanterie allemande arrivée à seulement 600m de ses positions lui permet de se replier. Mais un canon de 75mm doit être définitivement abandonné sur place. 40 hommes du 4e groupe sont tués, blessés, prisonniers ou disparus au cours de cette journée.
Fin novembre 1914, la problématique de remplacement du matériel devenant plus difficile, la 12e batterie se voit réduite à 3 canons de 75mm. En parallèle, les premiers canons de 37mm sont livrés aux artilleurs. Il s’agit du canon français de Marine 37 mm modèle 1885 (Tir Rapide) qui est employé dès l'automne 1914 comme pièce de tranchée. Charge aux artilleurs de les mettre en batterie pour réaliser des tirs de flanquement en première ligne.
Pourtant, en 1914, le canon-revolver de 47 mm est en voie de condamnation, le nombre de pièces a fortement diminué mais dans l’urgence, cela n’empêche pas l’utilisation des rares canons-revolvers de 47 mm restants pour servir au flanquement des défenses de certaines tranchées à cette période du conflit où l’armée française fait feu de tout bois pour s’équiper et s’adapter.
Le début de l’année 1915 voit le 50ème RAC positionné le long de la voie de chemin de fer entre Doullens et Arras. Le 5 janvier, le 4e groupe d’artillerie réceptionne des canons de 47mm. Il a l’ordre de les positionner dans les tranchées en complément des canons de 37mm déjà mis en service. Ces expérimentations sur le terrain vont participer à la création et au développement de l’artillerie de tranchées.
Car dès le début du conflit, les évolutions techniques se succèdent dans tous les domaines de combat. Ainsi, suite à des expérimentations réussies durant l’automne 1914, l’utilisation de la TSF embarquée sur les avions est validée de façon opérationnelle. Dès le mois de février 1915, les artilleurs du 50e RAC prennent l’habitude de régler leur tir en fonction des observations communiquées directement par des avions d’observation en vol au-dessus de la ligne de front. Les messages émis en morse sont codés. Une antenne filaire de 80 mètres de long est déroulée sous l’avion. Les postes émetteurs embarqués pèsent 30kg. Leur portée d’émission ne dépasse pas 30 km.
La journée du 10 mars voit le 50e RAC subir pour la première fois une explosion de canon de 75mm. Le pointeur et le tireur sont tués sur le coup. Tous les autres servants sont blessés. Ce n’est hélas qu’un début.
Le Journal de Marche et d’Operations du 50e RAC indique « RAS » pour la journée du 17 mars. C’est pourtant ce même jour que Joseph est blessé une première fois dans le secteur d’Arras par un coup de pied de cheval le 17 mars 1915.
C’est peut-être la raison pour laquelle, profitant d’une des premières permissions accordées dans l’armée française, Joseph se marie le 1er aout 1915 à Préfailles avec Constance GAUTIER. La jeune femme alors âgée de 21 ans travaille comme agricultrice chez ses parents. Elle a déjà mis au monde, hors mariage, un fils prénommé lui aussi Joseph le 25 mars 1915. Cette union permet de régulariser la situation administrative de la jeune femme en cas de décès de Joseph « père ».
La "crise du 75" a commencé au début de 1915. Elle dépasse, de par ses graves conséquences, un simple problème technique d'artillerie car elle a aussi de désastreuses conséquences sur les résultats des combats de 1915 et, accessoirement, elle cause la mort et des blessures très graves à des centaines d'artilleurs. C’est le cas au 50e RAC lorsque deux canons éclatent à nouveau le 22 et 23 avril. Cette crise coïncide avec l'arrivée sur le front des premiers lots de munitions fabriquées hâtivement par des établissements industriels dont certains n'étaient connus jusque-là que pour leur fabrication d'objets de quincaillerie du commerce. Entre la fin de l’année 1914 et la fin du mois de septembre 1915, l’armée française perd ainsi 993 pièces d’artillerie.
Le 2 août 1915, le 50e RAC quitte le théâtre d’opérations du Pas de Calais pour s’embarquer en direction des champs de bataille de l’Argonne.
Il s’y trouve encore engagé lorsque début mars 1916, le second canonnier conducteur Joseph GADET reçoit un coup de pied de cheval pour la seconde fois. Ce nouveau coup porté lui est fatal. Il meurt des suites de ses blessures à l’hôpital auxiliaire Saint Charles n°57 de Sainte-Menehould dans la Marne le 2 mars 1916.
Une petite fille prénommée Louise naît le 4 octobre 1916 à Préfailles. La petite Louise n’a jamais connu son père. Louise et son frère aîné Joseph sont adoptés par la Nation le 7 janvier 1920.
Son fils Joseph décède à Nîmes en 1915 à l'âge de 36 ans.
Sa fille Louise épouse Jean SORET en 1933 à Saint-Brévin. Elle décède en 1965 à La Plaine à l'âge de 49 ans.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Le canon de 75 modèle 1897 est l’une des pièces d’artillerie les plus célèbres de l’histoire militaire française. Conçu à la fin du XIXᵉ siècle, il entre en service en 1898 et révolutionne l’artillerie grâce à son système de recul hydropneumatique : le tube recule au tir, mais le bâti reste immobile, permettant un tir rapide et précis sans devoir réajuster la visée.
Il est au calibre de 75 mm avec une portée maximale d'environ 8 500 m (avec obus explosifs). Sa cadence de tir va jusqu’à 15 coups par minute, inégalée à l’époque. En exercices, il a pu tirer 21 coups en une minute.
Son poids en batterie est d'environ 1 140 kg.
À la veille de la Première Guerre mondiale, il est le symbole de la puissance militaire française. Utilisé massivement en 1914, il se montre redoutable contre les assauts d’infanterie, notamment grâce à ses obus à shrapnels. Sa mobilité, sa précision et sa cadence de tir en font une arme mythique, surnommée parfois « la pièce qui gagne la guerre ».
Bien que dépassé par l’artillerie lourde au fil du conflit, il reste en service jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, et son image est devenue un emblème patriotique français. Aujourd’hui, plusieurs exemplaires sont visibles dans des musées militaires et commémorations.