Cette biographie a été rédigée par Hervé et adaptée au format de ce support
DRONET Pierre Julien Constant
1873 – 1915
Préfailles
291ᵉ régiment d'infanterie territoriale
Mort pour la France
Pierre est né le 29 septembre 1873 à Chauvé. Il est aîné d'une fratrie de neuf enfants.
Il effectue son service militaire en 1894-1895.
Agé de 41 ans, c'est donc dans un régiment "territorial", le 81è, qu'il est mobilisé le 3 août 1914.
Pierre combat dans le Nord puis en Belgique.
Il passe au 291ème en septembre 1915.
Le régiment subit une attaque massive aux gaz le 19 octobre 1915.
Pierre, gravement intoxiqué, décède le 21 octobre 1915 d’une « asphyxie par gaz suffocant ».
Son père, Pierre DRONET, domestique, natif de Machecoul, épouse le 4 juillet 1864 à Chauvé, Victoire MOUREAU (MOURAUD), également domestique, native du Clion,
Ils ont neuf enfants : Victoire née en 1865, Anne née en 1866, Léonide née en 1869, Virginie née en 1871, Pierre né en 1873, Alexandrine née en 1876, Jean né en 1878, François né en 1881 et Auguste né en 1883. Tous ces enfants sont nés à Chauvé
Pierre DRONET est donc le premier garçon de cette fratrie de neuf, né le 29 septembre 1873 à Chauvé, au sein d’un foyer devenu cultivateur.
L’exploitation familiale étant trop modeste pour nourrir une famille aussi nombreuse, le jeune Pierre fréquente peu, voire pas du tout, l’école. Comme ses deux frères, il « vend » ses bras dans les fermes environnantes, en tant que simple laboureur.
Lorsqu’il est appelé sous les drapeaux le 13 septembre 1894, au sein du 154ᵉ régiment d’infanterie de ligne de Commercy, il ne sait ni lire, ni écrire, et encore moins compter. Cependant, sa bonne volonté lui permet de décrocher son certificat de bonne conduite à l’issue de son service militaire, le 24 septembre 1895.
Il effectue ensuite ses périodes de rappel et d’exercices réglementaires au 65ᵉ régiment d’infanterie de Nantes, en 1900 puis en 1903. Avec l’âge, il est classé dans l’armée territoriale à compter du 1ᵉʳ octobre 1907.
Les régiments d'infanterie territoriale sont alors constitués principalement d'hommes âgés de 34 à 49 ans, jugés trop âgés ou plus assez entraînés pour intégrer les unités d’active ou de réserve. Mobilisés dès août 1914, au début de la Première Guerre mondiale, ces régiments sont regroupés au sein de divisions territoriales, rattachées à l’armée territoriale.
C’est ainsi que, le 3 août 1914, à l’âge de 41 ans, le soldat de deuxième classe Pierre DRONET rejoint le 81ᵉ régiment d’infanterie territoriale (RIT), alors en cours de formation à Nantes. Faute de casernes disponibles, les deux bataillons du régiment sont cantonnés dans des écoles de Nantes et de Sainte-Luce. Une fois équipés, armés et entraînés, les hommes embarquent le 18 août à bord de trains en direction du front. Le 23 août, ils arrivent dans le département du Nord et prennent position dans la région de Douai dès le lendemain.
Pris dans le mouvement de repli général de l’armée française, les soldats du 81ᵉ RIT, engagés depuis le début dans des combats d’arrière-garde et des escarmouches, se retrouvent à Amiens le 13 septembre 1914. Le 22, ils sont en ligne dans la Somme et prennent part, contre toute attente, aux opérations de la « course à la mer », qui se poursuivent jusqu’à la fin octobre 1914.
Durant cette période, le 81è RIT subit de lourdes pertes lors de violents affrontements pour lesquels ces hommes n’étaient guère préparés. On déplore plus de 250 soldats tués, blessés ou portés disparus.
Le régiment passe son premier hiver sur le front dans le secteur de Roclincourt, près d’Arras. En janvier 1915, il est positionné en première ligne à Wailly, chargé de la surveillance des boyaux, avec sentinelles doubles et postes d’écoute.
Après avoir tenu les lignes dans le secteur de Nieuport, le régiment est relevé le 25 août 1915. Il gagne ensuite, par étapes successives, le secteur de Calonne, dans le Pas-de-Calais, qu’il occupe dès le 8 septembre et y reste jusqu’au 5 février 1916.
Pierre a, quant à lui, été muté à la 8ème compagnie du 291è régiment d’infanterie territoriale le 1er septembre 1915. Le lendemain, il embarque en direction du front dans la région de Reims. Le régiment est chargé d’occuper le secteur de Beine-Sillery, précédemment tenu par le 58è . Jusqu’au 23 septembre, les bataillons du 291è se relaient tous les trois jours dans ce secteur, en alternance avec des éléments du 58è . Les soldats jugés inaptes au service en première ligne sont regroupés au sein d’un peloton de travailleurs et affectés au Génie sur la deuxième ligne.
Les premières lignes sont atteintes en quelques minutes par les troupes d’assaut allemandes. Celles de la troisième ligne le sont peu avant 7 h 30.
Il faut attendre cette heure pour que l’artillerie française déclenche enfin un tir de barrage. L’artillerie ennemie riposte alors sur les batteries françaises avant de lancer à son tour un tir de barrage continu, depuis le lieu-dit « La Péniche » jusqu’au pont du Petit-Sillery, le long du canal de l’Aisne à la Marne.
Les communications téléphoniques sont rapidement coupées entre le commandement et les deux bataillons en ligne. Sous une pluie d’obus, les « coureurs » prennent alors en charge la transmission des messages et des ordres, rédigés sur de simples morceaux de papier. Ils s’élancent en courant sous la mitraille, à travers les nuages de gaz toxiques et les explosions. Sautant pour éviter les obstacles, rampant pour échapper aux tirs ennemis, se mettant à l’abri pour éviter les éclats d’obus, ils accomplissent leur dangereuse mission avec une grande abnégation.
Un ordre est donné : faire appel aux fantassins de troisième ligne pour remplacer les hommes touchés en première ligne et renforcer principalement les ailes du dispositif. Face à l’ampleur de l’attaque, la section de mitrailleuses de la brigade, maintenue en réserve de feu à Sillery, est appelée en renfort.
À 10 h 30, des Allemands — portant des brassards de la Croix-Rouge — sortent de leurs tranchées par petits groupes. Ils atteignent le réseau de fils de fer barbelés défensif, mais un tir de barrage de l’artillerie française les repousse.
Quatre médecins sont réclamés d’urgence par le service de santé, en raison du grand nombre de soldats intoxiqués. Il n’y a ni panique ni sauve-qui-peut dans les rangs français. Les « pépères » de la territoriale tiennent bon.
L’ennemi poursuit alors le bombardement à l’aide de torpilles. Ces engins, dont la portée varie de 200 à 1 000 mètres selon le calibre, se tirent comme des mortiers, sous un angle très court. Composées d’une mince enveloppe contenant une puissante charge explosive, elles sont de forme allongée, munies d’une queue et d’ailettes, d’où leur nom.
L’artillerie française parvient à faire cesser ce bombardement par un violent tir de contre-batterie. Il est alors 12 h 50.
À 13 h 55, deux compagnies de renfort sont demandées. Trois médecins arrivent à 14 heures. Les évacuations des nombreux soldats français gazés se font dans le calme et l’ordre. En raison du grand nombre d’hommes à évacuer, une nouvelle demande de renfort de deux compagnies est formulée. Elles arrivent à 22 heures.
Pendant la nuit, une demi-compagnie du génie intervient pour réparer, dans les deux secteurs, les dégâts les plus importants. Grâce à l’arrivée rapide des renforts et à l’énergie déployée par la troupe en fin de journée, la valeur défensive de la position demeure solide.
Le lendemain, 20 octobre, vers 16 heures, l’ennemi reprend un violent bombardement à l’aide d’obus asphyxiants sur l’aile droite des positions françaises, tout en pilonnant le village de Sillery et le canal.
À 16 h 15, on entend en première ligne le sifflement sourd, caractéristique d’une nouvelle émission de gaz toxiques. Une vague très dense et haute de gaz s’avance. Au même moment, une fusillade intense éclate sur les tranchées de première ligne. Une nouvelle fois, l’artillerie française déclenche un tir de barrage.
Une accalmie survient à 22 h 30. On apprend alors que la majorité des hommes encore en première ligne sont intoxiqués et hors d’état de combattre.
Dans la nuit du 21 au 22 octobre, le régiment est regroupé au repos à Écueil et Chamery. Pierre, gravement intoxiqué au cours des combats, est évacué vers l’ambulance N°15 du groupe 17 à Épernay. Il y décède le 21 octobre 1915 à 22 h 45, d’une « asphyxie par gaz suffocant ».
Au terme de ces deux jours d’affrontement, le régiment déplore un total de 11 officiers et 1 024 hommes de troupe hors de combat.
Par la suite, le 291ᵉ RIT reste dans la région de Reims pour participer à la construction d’une voie de chemin de fer, et ce jusqu’à la fin de 1916. Il prend ensuite part à l’offensive du Chemin des Dames en avril 1917. Le régiment est dissous le 23 septembre 1917, dans le cadre de réorganisations de l’armée de terre.
La famille a demandé la restitution du corps de Pierre. Il est inhumé à Préfailles le 9 juillet 1921. Sa tombe a été reprise par la commune.
Le père de Pierre, est décédé en 1900. En raison des difficultés financières de la famille du défunt, un secours immédiat de 150 francs est versé à l’un des frères de Pierre, le 16 mai 1916, par le 78ᵉ RI.
Sa sœur Alexandrine épouse Alexandre BONHOMMEAU.
Jean décède en 1959 à Saint-Nazaire à l'âge de 81 ans.
François épouse en première noce Léontine BIRET et en seconde, Joséphine ELIARD.
Auguste épouse Marie BOUÉ.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
Surnommés affectueusement les « pépères » par les jeunes soldats, les territoriaux sont, en théorie, destinés à des missions de garde et de police : sécurisation des gares, des villes, des ponts, des voies de communication, défense des places fortes, etc.
Ils effectuent également des travaux de terrassement, de maintenance des routes et des voies ferrées, de creusement ou de réparation de tranchées. Suivant souvent l’armée en marche, ils sont chargés d’explorer et de «nettoyer» les champs de bataille : récupération de matériel, ramassage, identification et inhumation des morts, arrestation et escorte des soldats ennemis blessés ou isolés.
Ils participent aussi à la logistique des premières lignes, souvent sous le feu des bombardements ou des gaz. Bon nombre de ces soldats « invisibles » meurent au cours de ces missions ingrates mais cruciales.
Au fil des mois, la distinction entre les régiments d’active, de réserve et territoriaux s’estompe. La spécificité de la territoriale disparaît progressivement, au profit d’un emploi plus direct sur la ligne de front. D’abord affectés à la défense de secteurs « calmes » ou aux tranchées de départ, les régiments territoriaux sont bientôt engagés en appui direct, puis intégrés aux unités d’assaut, au gré des pertes subies.