Cette biographie a été rédigée à partir des écrits de Marguerite- Marie Eraud, l'ainée des petits enfants de Julien-Pierre Bizeul, généalogiste de la famille et par Magali Charpentier. Le texte original de Marguerite-Marie Eraud et de Magali Charpentier. Un grand MERCI.
BIZEUL Julien Pierre dit "Pierre"
Saint-Hilaire-de-Chaléons
1897 - 1918
65ᵉ régiment d'infanterie
Mort pour la France
Ci-contre, la Croix de guerre originale attribuée à Pierre et précieusement conservée par la famille.Julien (qui se fait prénommer Pierre) est né le 19 février 1885 au domaine de Briord à Port- Saint-Père.
Il se marie avec Marguerite BAUVINEAU le 21 avril 1914.
Pierre est mobilisé le 3 août 1914 au 65e régiment d'infanterie de Nantes.
Sa fille, prénommée Marguerite, naît le 28 avril 1915.
Pierre est tué à l'ennemi le 10 juin 1915.
Il est inhumé à Saint-Hilaire-de-Chaléons.
Il est décoré de la Croix de guerre avec une étoile argent.
Son père, Pierre BIZEUL est un véritable enfant de Briord. En effet, il voit le jour le 19 février 1885 sur le domaine où son propre père, Jean Pierre Marie BIZEUL, exerce la fonction de garde particulier. Sa mère, Anne-Marie AVERTY, cultive ainsi avec soin les terres qui les entourent. Ils se marient le 26 juin 1883 au Pellerin.
Le couple élève Julien et son jeune frère Élisée, né cinq ans après lui. Malheureusement, une tragédie frappe prématurément la famille, emportant le petit garçon à l’âge de dix ans en 1900.
Ainsi, Pierre grandit en tant qu’enfant unique. Cependant, dans un domaine aussi vivant que celui de Briord, il trouve de nombreux camarades de jeux. Parmi eux, on compte les enfants de Jean-Baptiste BAUVINEAU, le régisseur du château. Cet homme élève alors ses enfants dans le village avec son épouse Jeanne Louise PENEAU. Ensemble, ils forment une famille unie, vivant sur le domaine avec leurs trois filles et leur fils. La vie s’écoule paisiblement en ce début de XXème siècle, empreinte d’une douce sérénité.
Après de brèves études, comme c’était souvent le cas pour les enfants de son époque, Pierre se forme au métier de menuisier ébéniste. Il retourne alors vivre sur le domaine, où le travail ne manque pas.
C’est à ce moment-là qu’une douce idylle naît entre lui et Marguerite, l’aînée des filles du régisseur, âgée de six ans de moins que lui. Cette talentueuse couturière, conquiert rapidement son cœur.
Le couple décide alors de se marier. La joie est d’autant plus grande pour la famille de la mariée que la jeune sœur de Marguerite, Marie-Josèphe, épouse le même jour le gendarme Julien CHAMBILY. Nous sommes alors le 21 avril 1914, personne n’envisage en ce jour de printemps, que quelques mois plus tard la France entrera en guerre.
La célébration se déroule avec un faste remarquable dans l’église de Port Saint-Père. Le propriétaire du château, Jean-Baptiste ETIENNE, a l’honneur d’être le témoin des deux jeunes mariées. Après la cérémonie, les familles se rassemblent sur les terres de Briord pour la noce. Ainsi sont célébrés l’amour et ces unions nouvelles dans le cadre bucolique du domaine de Briord.
A peine le jeune couple s’installe-t-il dans le village voisin de Chéméré que l’histoire bascule.
En effet, le 28 juin 1914, l’assassinat de l’héritier du trône de l'Empire austro-hongrois par un nationaliste serbe plonge l’Europe dans le chaos.
Un mois plus tard, la France entre en guerre. L’armée rappelle Pierre sous les drapeaux, comme tous les jeunes de son âge. Le 3 août 1914, il reçoit son ordre de mobilisation, soit à peine quatre mois après son mariage.
Comme dans toutes les familles de France, la séparation est douloureuse. Pour Pierre et Marguerite, la situation est d’autant plus dramatique que Marguerite apprendra quelques semaines plus tard qu’elle porte en elle le fruit de leur amour. Pierre se plonge, avec ferveur comme tous ses camarades, dans l’enfer des combats. La souffrance et la mort deviennent alors son quotidien. Sans doute espère-t-il recevoir des courriers de son épouse ou de sa famille.
Nous ne savons pas si la nouvelle de la grossesse de son épouse lui est parvenue. A-t-il eu la chance de recevoir une photo de leur enfant ? Le mystère demeure. Par contre, lui, parvient à faire passer du courrier à ses proches. Dans les tranchées, il a même créé un herbier pour sa bien-aimée, qu’elle a bien reçu. Symbole de son amour et de sa résilience, il est aujourd’hui délicatement encadré et repose sur sa tombe. Il témoigne ainsi de l’amour indéfectible qui les unit au-delà des épreuves.
Mobilisé dès le début du conflit en 1914, il s’engage dans des combats acharnés. On peut ainsi noter que lors de la bataille de la Marne par exemple, Julien et ses camarades d’infortune, ont fait preuve d’un courage exemplaire. Ils faisaient face à des conditions extrêmement difficiles. Le régiment a également été impliqué, plus tard, dans la bataille de la Somme. Il a alors subi de lourdes pertes, mais a continué à se battre avec détermination.
Les hommes du 65e régiment, souvent issus de milieux modestes, ont fait preuve d’un esprit de camaraderie et de sacrifice. Ils illustrent alors parfaitement la résilience des troupes françaises durant cette période tragique de l’histoire. Leur engagement et leur bravoure ont donc laissé une empreinte indélébile dans la mémoire collective témoignant des sacrifices consentis pour défendre la patrie.
Extrait du Journal de Marches et Opérations du 65e RI page 40/105 au 10 juin 1915.
En ce funeste jour du 10 juin 1915, Julien, de la 10e compagnie du 65e régiment d'infanterie, toujours dans les tranchées, est mortellement blessé à Hébuterne. Ces combats font 33 morts, 214 blessés et 5 disparus le même jour.
L'acte de décès de Pierre n'est transcrit à Chéméré qu'en août 1917.
La famille a demandé la restitution du corps de Julien. Il arrive à la gare de Nantes le 2 février 1922 et le lendemain en gare de Saint-Hilaire-de-Chaléons. Les obsèques ont donc lieu le 3 février.
Son corps repose juste derrière le monument aux morts tout comme son camarade Georges BATARD.
L'hebdomadaire "L'Echo de Paimboeuf", daté du 12 février 1922, a consacré un article à l'inhumation de Pierre à Saint-Hilaire-de-Chaléons : "Le premier enfant ... qui revient du front".
Sa famille a donc pu se recueillir sur sa tombe dans un moment de sérénité retrouvée. L’État, en reconnaissance de son sacrifice, lui rend hommage, tout comme à certains valeureux soldats tombés pour la France ou revenus blessés et mutilés. Dans le respect de sa mémoire, la famille de Julien a soigneusement préservé dans ses archives les décorations et distinctions honorifiques de Pierre.
Sur la tombe de Pierre et Marguerite, désormais réunis dans l’éternité, repose toujours l’herbier que le jeune marié avait tendrement offert à sa bien-aimée. Ce précieux ouvrage, confectionné de ses propres mains, témoigne des longues heures d’attente sur le front, où chaque détail est empreint de son amour et de sa nostalgie du pays.
Peu avant la mort de Julien, dans la solitude de son foyer, Marguerite donne le jour, le 28 avril 1915, à une ravissante petite fille qu’elle prénomme également Marguerite.
Hélas, cette enfant ne connaîtra jamais l’étreinte de son père, tombé au champ d’honneur deux mois plus tard. Résolue à honorer la mémoire de son cher Julien, Marguerite, la mère, choisit de ne jamais se remarier, restant fidèle à son amour perdu. Pour subvenir aux besoins de sa fille, elle exerce avec dévouement son métier de couturière, alliant talent et persévérance. Elle réalise même des costumes pour Jean-Baptiste Etienne, maître des lieux.
Son père décède le 31 décembre 1926 à Saint-Hilaire-de-Chaléons à l'âge de 71 ans.
Sa mère, Anne -Marie née AVERTY, décède le 30 décembre 1926 à Saint-Hilaire-de-Chaléons à l'âge de 68 ans.
Son épouse: Marguerite née BAUVINEAU, couturière, décède à 78 ans, le 5 juin 1969 à Nantes.
Sa fille, Marguerite BIZEUL, épouse LOQUAIS, institutrice et mère au foyer décède à 88 ans, le 3 février 2004.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
À la fin du conflit, la question se pose de laisser les morts sur place ou de permettre leur retour dans leur commune d’origine.
En 1919, l’État français décide de ne pas autoriser le retour massif des corps pour des raisons pratiques (coût, logistique) et symboliques (lieux de mémoire unifiés).
Sont alors créées les nécropoles nationales (Douaumont, Notre-Dame-de-Lorette, etc.) pour regrouper les tombes.
Une loi de juillet 1920 autorise finalement, sous certaines conditions, la restitution individuelle des corps à la demande des familles et à la charge de l'Etat.
Environ 250 000 corps sont restitués entre 1921 et 1925. Le processus est lourd et délicat car les identifications difficiles, de nombreux corps sont anonymes ou mutilés.
Le transport est réalisé dans des cercueils en zinc, parfois par train funéraire spécial. Des cérémonies d’accueil dans les communes sont organisées, avec grande solennité.
Le retour des corps contribue à la multiplication des monuments aux morts dans chaque commune et participe à ancrer la mémoire de la guerre dans la géographie intime du pays.