Cette biographie a été rédigée par Hervé et adaptée au support
BEILVERT Alfred Désiré Dalmas
Préfailles
1885 - 1914
6ᵉ régiment du génie
Mort pour la France
Alfred est né le 27 juillet 1885 à Saint-Brévin.
Il suit une formation d’électricien.
Ses compétences le font affecter au 6ème régiment du génie d'Angers.
Alfred est tué lors du bombardement de son cantonnement le 2 novembre 1914.
La presse a rendu compte de ses obsèques, nous avons donc beaucoup d’informations émouvantes.
Alfred est décoré de la Médaille Militaire, de la Croix de guerre avec une étoile bronze et de la médaille coloniale agrafe Maroc.
Alfred est inhumé au cimetière de Préfailles mais sa sépulture a disparu. Il doit donc être dans l’ossuaire communal.
Nul doute que le jeune Alfred Beilvert, né en 1885 et fils unique d’un douanier et d’une mère au foyer, fait la fierté de ses parents lorsque, titulaire du certificat d’études, il choisit d’exercer la profession d’électricien-monteur en ce début du XXᵉ siècle. L’énergie électrique est alors en plein développement.
Le jeune homme réside encore à Saint-Brévin lorsqu’il est convoqué une première fois par le conseil de révision en 1905. Il est ajourné d’office en raison de « faiblesse », vraisemblablement due à son dos voûté.
Alfred décide alors de contourner le problème en se portant engagé volontaire en 1906. Il est dès lors inscrit d’office sur la 5ᵉ partie de la liste des registres matricules. C’est grâce à ce stratagème qu’il se retrouve inscrit, en 1907, dans la 1ʳᵉ partie de la liste des registres matricules, enfin classé « bon pour le service aux armées ».
Il rallie alors le 24ᵉ bataillon du 5ᵉ régiment du génie, qui tient garnison au Mont-Valérien, le 9 octobre 1907, en tant que 2ᵉ sapeur télégraphiste.
En 1884, une école de télégraphie militaire, spécialité nouvelle relevant officiellement de l’arme du génie, a été installée dans la forteresse du Mont-Valérien.
La campagne du Maroc a débuté sous la responsabilité du premier résident général français au Maroc, le général Lyautey. Elle vise à combattre les résistances marocaines à l’établissement du protectorat français. Les premières batailles de cette campagne débutent en 1907 et ne se termineront qu’en 1912 avec la « pacification » du pays.
C’est dans ce contexte qu’Alfred est muté au 26ᵉ bataillon du génie, le 9 mai 1908.
Alfred participe aux opérations de guerre dans les confins sud de la région algéro-marocaine, du 23 mai 1908 au 19 juillet 1908. Il reste en Algérie jusqu’au 25 septembre 1909. Son certificat de bonne conduite en poche, il est libéré des obligations militaires le 1er octobre 1909 et décide de s’installer à Paris, dans un modeste appartement au numéro 50 de la rue Dutot, en avril 1910.
Sa situation professionnelle s’améliorant, il déménage en juin 1911 pour vivre désormais dans un immeuble cossu situé au 90, rue de l’amiral Roussin, à Paris.
La mobilisation générale étant décrétée le 1er août 1914, Alfred quitte à jamais son domicile pour rejoindre la caserne du 6ᵉ régiment du génie d’Angers, le 3 août 1914. Affecté à la 4ᵉ compagnie du 11ᵉ bataillon (« le 11/4 »), constituée de personnel réserviste, ce n’est que dans la soirée du 8 août qu’il embarque avec ses camarades en gare d’Angers pour rejoindre la ligne de front.
À l’issue d’un périple de huit jours qui le mène d’Angers à Rambouillet, puis à Reims, le bataillon arrive sans encombre à Sedan dans l’après-midi du 16 août. Il est ensuite dirigé vers Villers-Cernay, à proximité de la frontière belge, pour effectuer des travaux de fortification dans le secteur au nord de Sedan.
Face aux puissantes attaques simultanées allemandes, le repli de l’armée française est effectif à partir du 25 août. C’est à cette date que le bataillon d’Alfred reçoit l’ordre de faire sauter les ponts sur la Meuse, au niveau de Donchery, Flize et le pont de chemin de fer de Bazeilles. Cette opération sera menée pour la première fois sous les feux de l’ennemi.
Après cette date, la bataille dite « des frontières » étant perdue par l’armée française, une longue retraite commence en direction de la Marne, sous le feu permanent de l’artillerie allemande.
C’est le 7 septembre que les premiers blessés sont recensés par le bataillon dans le secteur de Fère-Champenoise. La comptabilité des effectifs du bataillon, à la date du 8 septembre, fait état de 22 disparus durant les combats de la retraite.
La compagnie reçoit l’ordre de marcher en avant le 10 septembre. Elle pousse jusqu’au village de Lenharrée pour l’occuper alors qu’il est tout juste évacué par l’ennemi. Des blessés, tant allemands que français, jonchent les rues et les maisons en ruine.
Le 12 septembre, journée retenue par l’histoire comme marquant la fin de la bataille de la Marne, le 11/4 est envoyé dans le secteur de Mouilly pour rechercher les cadavres, mais aussi reconstruire des ponts détruits et déminer des ponts restés intacts. L’enterrement de nombreux chevaux morts pendant les combats fait aussi partie des tâches attribuées à Albert. La mission se termine le 19 septembre avec le départ du bataillon en direction de Châlons-en-Champagne puis Reims, où des travaux de renforcement des positions et de creusement de tranchées sont réalisés.
C’est le début des opérations de mouvement général de troupes qui vont conduire les armées françaises, britanniques et allemandes à pratiquer une véritable « course à la mer ».
Le bataillon se retrouve à Compiègne le 26 septembre et embarque aussitôt dans un train qui va le conduire le 28 septembre à Richemont, puis à Bouzincourt. Le sapeur télégraphiste BEILVERT se retrouve désormais au nord-est d’Amiens, sur le théâtre des opérations de la Somme. Le 29 septembre, il prend cantonnement à Englebelmer. Ce sera désormais sa base de départ pour les travaux sur la ligne de front.
Le front va progressivement se stabiliser. La guerre dite « de position » va débuter, et le 11/4 est tout naturellement affecté à l’organisation, au creusement et à l’aménagement de tranchées et d’abris divers qui deviennent désormais de plus en plus profonds. La multiplication et la densification des réseaux de fils de fer barbelés sont aussi à l’ordre du jour. Preuve de la stabilisation du front, des secondes lignes de résistance sont également creusées.
De nouvelles armes sont testées. Pour preuve, dans la soirée du 19 octobre, Alfred et ses compagnons se livrent à des essais de lancement de grenades à main sur les tranchées allemandes. Sur cinq lancées, une seule explose ! Ce sera encore pire le lendemain puisque la même opération sera réitérée sans aucun résultat. C’est toutefois la preuve que dans ce secteur du front, les premières lignes françaises et allemandes sont très proches (15 mètres).
Le 27 octobre, le bataillon est prévenu qu’une attaque doit être lancée par la 21ᵉ division d’infanterie voisine. Des explosifs spécifiques destinés à la destruction des réseaux de fils de fer barbelés doivent être expérimentés à cette occasion. Les troupes allemandes, en prévision d’un éventuel assaut, déclenchent fréquemment des fusillades et des tirs d’artillerie pour tenter de désorganiser les préparatifs français en première ligne et en profondeur.
Le premier mort de la 4ᵉ section d’Alfred est enregistré sur le journal de marche à la date du 1ᵉʳ novembre, pendant des travaux de nuit exécutés au profit du 19ᵉ RI.
C’est le 2 novembre à 19h00 qu’un bombardement du secteur d’Englebelmer par l’artillerie lourde allemande se déclenche. Le cantonnement du 11/4 est immédiatement frappé. Deux sapeurs sont tués sur le coup, dont Alfred, et sept autres sont blessés. Alfred avait 29 ans.
Le lendemain 3 novembre 1914, on peut lire dans le JMO :
« 8h. Enterrement au cimetière d’Englebelmer des trois sapeurs Duigon ( ?), Tiberghien ( ?) et Beilvert tués au cours des deux nuits précédentes.
Le général commandant la 22e division avait tenu à assister à la cérémonie funèbre, ainsi que le commandant Thomas.
Messe des Morts à l’église d’Englebelmer.
Au cimetière, le capitaine Piraud adresse un dernier adieu aux disparus au nom de leurs camarades et de leurs chefs »
Il est décoré à titre posthume de la Médaille militaire et de la Croix de guerre avec une étoile bronze.
Ci-dessus, un extrait du journal de marches et opérations.
Ci-dessous, un extrait du Journal Officiel
La famille a été très vite informée du décès d’Alfred.
En effet, le 4 décembre 1914, un cousin, Monsieur A. Foucher, Directeur de la Société Générale de Houilles Agglomérées située à Chantenay, a écrit au Préfet de Loire-Inférieure. Il indique au préfet, au nom des parents d'Alfred, que ce dernier a été tué le 2 novembre dernier à Englebelmer dans la Somme. Il précise qu’Alfred était "sapeur télégraphiste au 6e génie, 11e corps d'armée [NDLR : il s’agit en réalité du 11e bataillon], 4e compagnie."
Il écrit qu’Alfred a été tué : « …à la porte de la maison de Madame veuve Jourdain où était établi le cantonnement. Ladite dame Jourdain qui doit être actuellement réfugiée à Acheux dans la Somme pourrait peut-être fournir des renseignements utiles pour la découverte du cadavre car il est bien possible qu'elle l’ait fait mettre en lieu sûr avant de partir à Acheux. »
À ce courrier, le préfet répond le 10 décembre 1914 :
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que la recherche et le transport des corps des soldats n'incombent en aucune façon à l'autorité civile. Ce soin incombe à l'autorité militaire. Mais celle-ci a fait savoir récemment au public que tout transport de corps était ajourné jusqu'à nouvel ordre.
Toutefois, les familles intéressées peuvent dès maintenant entreprendre cette opération, mais sous leur responsabilité et à leurs frais.
Je crois d'ailleurs devoir à ce propos vous faire remarquer qu’elles risquent, dans l'accomplissement de cette pieuse mission, de rencontrer d'assez sérieuses difficultés résultant notamment du fait que le territoire des inhumations fait encore partie de la zone des armées »
La famille doit donc attendre…
La maman d’Alfred, Jeanne, décède le 21 avril 1917 à Préfailles à l’âge de 60 ans.
L’hebdomadaire « L’Echo de Paimboeuf » daté du 12 février 1922 a rédigé un article concernant les obsèques d’Alfred dont le corps est arrivé en train à Nantes le 2 février 1922, convoi contenant environ 130 cercueils.
Après plus de sept ans, le cercueil d’Alfred arrive à Préfailles par train le 4 février à 9h30. Le clergé a procédé à la levée du corps. L’église était remplie de parents et amis venus de toutes parts.
Au cimetière, le président de la section des combattants fait son discours :
« Camarade de tous nos Combattants, je viens au nom de ceux-ci dire un dernier adieu à celui qui a vécu sur le champ de bataille comme nous des heures d'angoisse et de péril.
Malheureusement, après ces heures cruelles passées dans la lutte, Alfred BEILVERT ne devait pas avoir notre bonheur, celui de revenir parmi les siens ! Et aujourd'hui, cher camarade, nous sommes tous venus t'accompagner à ta dernière demeure avec la même et respectueuse pensée du devoir. La terre de la Somme que nous avons à peu près tous foulée pendant les batailles devaient t'être légère, mais ce lieu de repos n'était pas celui qui devait te voir dormir ton dernier sommeil.
Un père, une sœur, te demandaient auprès d'eux. Avoir ta dépouille était pour eux une consolation, une chose venait encore l'augmenter : savoir qu'un fils, un frère est tombé au Champ d'honneur. On peut en être fier ! Mais une mère trop durement touchée par la pénible séparation était emportée elle aussi, 4 ans plus tard. La mort avait fait coup double dans la même maison. Ce sont de bien tragiques pages dans la vie.
Au nom de tous les combattants de la section, courage mes amis, et adieu cher camarade. »
La maman d’Alfred est donc décédée le 21 avril 1917 à Préfailles à l’âge de 60 ans.
Nous n’avons pas d’information sur le décès du papa.
Sources primaires et documentation
Ces sources fondamentales ont permis de vérifier et d'établir le récit de cette biographie.
La Première Guerre mondiale a causé une hécatombe, rendant difficile la récupération et l’identification des corps. Dès 1914, des familles ont demandé la restitution des dépouilles, mais les autorités ont d’abord interdit toute exhumation dans la zone des combats pour des raisons sanitaires et matérielles. Après la guerre, face à la pression des familles et des médias, l’État a progressivement organisé le rapatriement des corps.
La loi du 31 juillet 1920 accorde aux familles le droit de rapatrier les corps des soldats morts pour la France, aux frais de l’État.
Le décret du 28 septembre 1920 précise les modalités du transfert (exhumation, transport collectif par train, réinhumation).
Entre 1921 et 1923, les corps furent exhumés, transportés par train et remis aux familles pour un enterrement dans des cimetières communaux ou militaires. Des entreprises privées furent chargées des opérations.
Des scandales liés aux abus de certaines entreprises émergèrent : cercueils défectueux, erreurs d’identification, trafic d’ossements… En 1925, l’État reprit le contrôle des opérations.
Le retour des corps donna lieu à des cérémonies solennelles, orchestrées par les autorités civiles, militaires et religieuses comme ce fut le cas pour Alfred. Les familles étaient reléguées au second plan derrière les représentants de l’État. Les corps étaient ensuite enterrés dans des carrés militaires, des sépultures communales ou des caveaux familiaux.
Avec le temps, la mémoire de ces Poilus restitués s’efface.
Le rapatriement des corps des soldats morts pour la France fut une entreprise nationale marquée par des défis logistiques, des tensions politiques et des scandales. Si la restitution a permis aux familles de faire leur deuil, l’entretien de ces sépultures reste aujourd’hui un enjeu mémoriel dont le Souvenir Français a pris toute la mesure.